Antoine Corriveau

Pissenlit

Sortie le 9 octobre 2020

Secret City Records

Trois nouveautés dans la vie d’Antoine ont donné naissance à ce disque : une voiture, un studio et un label. Dans cet ordre d’importance.

Depuis la parution de son précédent album, « je me suis acheté un char, dit Antoine Corriveau. J’ai fait beaucoup de route ces dernières années », pour donner des concerts, certes, mais surtout pour le plaisir d’avaler des kilomètres, les mains sur le volant. S’échapper loin de chez soi, mais encore un peu chez soi : PISSENLIT est un « road album », comme on dit d’un « road movie ».

La graine de PISSENLIT, son quatrième album en carrière et premier à paraître chez Secret City (qui avait lancé son EP Feu de forêt en novembre 2018), a ainsi été plantée au bout de la route 138 « pendant une résidence d’écriture à Natashquan. J’y suis monté tout seul. » Traverser le Québec du sud au nord a provoqué chez lui « une réflexion sur le territoire » que l’on partage tous – mais pas toujours équitablement, comme on l’entend sur la troublante et hypnotique Les sangs mélangés.

Ces thèmes du mouvement et de son contraire, l’enracinement, sont devenus « une manière de parler de moi à travers le regard que je porte sur le territoire québécois, sur la manière dont il est habité, la manière dont on l’a aménagé au fil du temps et des générations ». Le nomadisme chanté sur En Corolla au Canada, un groove bluesé qui tache comme l’huile à moteur : « Je suis parti tuer le char dans les Prairies / Traverser le Canada de nuit / Même si une Toyota Corolla / Tu peux pas vraiment tuer ça ». Un accident sur la 10 évoqué dans la curiosité pop Kenny U-Pull, une maison abandonnée le long de la 87 dans l’état de New York servant de décor à Albany, l’une des chansons les plus coriacement rock de son répertoire.

Car dans la nouveauté de son propre Studio Van Horne inauguré au début 2019 émergea une manière différente de concevoir et d’enregistrer un album, et donc de bouleverser le style musical d’Antoine. La gestation de PISSENLIT, s’est faite de manière chaotique : « Ça m’a rappelé mes vingt ans, lorsque je commençais à faire de la musique tout seul chez moi avec GarageBand. J’ai invité des musiciens en studio, mais sans leur envoyer les chansons d’avance. Je ne voulais pas qu’ils arrivent préparés; j’enregistrais beaucoup de pistes pour ensuite faire du ménage, assembler ça », composant et enregistrant au fur et à mesure ce disque entièrement réalisé par ses soins.

Au noyau dur de l’orchestre, formé de Stéphane Bergeron (batterie), Marc-André Landry (basse) et Simon Angell (guitare et basse électriques) se sont joint une poignée d’autres complices (Mathieu Charbonneau, Salomé Leclerc, Marianne Houle, Jérôme Beaulieu, Rose Normandin, Erika Angell, entre autres), précieuse main d’oeuvre ayant alimenté de leurs instruments les nuits blanches passées au Studio Van Horne. « J’ai conçu cet album comme un espèce de collage, j’avais envie de ce côté hétéroclite » en partie inspirée du classique Odelay de Beck. « J’ai réécouté ce disque l’année précédent l’enregistrement de mon disque, ce que je n’avais pas fait depuis longtemps. J’aime son côté « free-for-all ». j’avais envie de ce genre de ruptures de ton. De surprises, en fait. »

PISSENLIT est moins une rupture dans le son d’Antoine Corriveau que son excroissance presque punk, angulaire et imprévisible, soulagée des orchestrations de cordes et de cuivres qui le suivaient depuis Les Ombres Longues, paru en 2014. Libéré même, en partie du moins – on ne se refait qu’à moitié! –  du spleen caractéristique du bonhomme, qui laisse presque pointer de l’humour, sinon le plaisir d’offrir des chansons spontanées, vivantes, parfois espiègles. Pour ça, il faut remercier Lisa Leblanc : « Je l’avais croisée durant ma prod; on avait jasé, pris des nouvelles. Je lui parlais de l’enregistrement, et elle m’a demandé : T’as-tu du fun? Me suis souvent reposé cette question-là pendant l’enregistrement. C’est devenu mon filtre de travail : avoir du fun! »