The Besnard Lakes

The Besnard Lakes Are The Last Of The Great Thuderstorm Warnings

Sortie le 29 janvier

Full Time Hobby

Les Besnard Lakes reviennent d’entre les morts. Quasi cinq ans après leur dernier album, le magistral groupe de rock psyché de Montréal a renoncé à tout compromis, s’est séparé de son label historique et a parfait une création brûlante de 72 minutes sur les ténèbres de la mort et la lumière qu’il y a de l’autre côté.

The Besnard Lakes Are The Last of the Great Thunderstorm Warnings est le sixième album du groupe et le premier en plus de 15 ans libéré d’un certain label indépendant du Midwest américain. Après A Coliseum Complex Museum en 2016 – qui a vu Jace Lasek et Olga Goreas entreprendre des chansons plus courtes et moins tentaculaires – les Besnard et leur label ont décidé qu’il était temps de se séparer. Avec cette décision est venue la question de savoir s’il fallait même poursuivre l’aventure. À quoi sert un groupe que l’instinct porte aux airs longs, tectoniques – des chansons rock à la pesanteur chtonienne et à la grâce éthérée, d’une durée de 5, 10 ou 18 minutes ? Comment vendre ces chansons à notre époque de streaming butineur? Comment rendre un tel projet pertinent ?

« On s’en fout ! », se sont dit les Besnard Lakes. Enflammés par l’amour qu’ils se portent et qu’ils ont à jouer de la musique ensemble, les membres du sextuor se sont mis à dérouler l’enregistrement le plus intransigeant de leur carrière. Malgré toute sa majesté, The Last of the Great Thunderstorm Warnings honore l’essence même du punk rock : l’idée qu’un groupe n’a de comptes à rendre qu’à lui-même. En définitive, les Besnard Lakes ont façonné un ensemble cohérent : neuf morceaux qui pourraient s’écouter comme un unique morceau, à l’image de Lazer Guided Melodies de Spiritualized ou même Dark Side of the Moon. C’est un album fourmillant de mélodies et d’harmonies, lancinant et éblouissant, témoin d’un climat unique propre au groupe.

Les Besnard Lakes ont fini par renoncer au cycle de deux ou trois ans entre chaque album , prenant tout le temps nécessaire pour concevoir, composer, enregistrer et mixer leur album. Certaines des chansons du disque sont anciennes et ont été ressuscitées à partir de démos qui avaient été mises de côté il y a des années. D’autres étaient littéralement remisées dans le cabanon derrière le « Rigaud Ranch » de Lasek et Goreas, et ont été inventées et réinventées, source de ce son plus rugueux. Une partie de cette distorsion fait son chemin dans le mix final : un crépitement incandescent qui s’était absenté des sorties récentes des Besnard.

À juste titre, The Besnard Lakes Are The Last of the Great Thunderstorm Warnings est un double album. « Near Death » ouvre la face A. « Death », « After Death » et « Life » viennent ensuite. C’est littéralement un aller-retour au bord du gouffre : le récit de la propre odyssée des Besnard Lakes mais aussi une commémoration d’autres odyssées, en particulier la mort du père de Lasek en 2019. Être sur son lit de mort est peut-être le voyage psychédélique par excellence : le père de Lasek, alors qu’il était sous morphine, a émergé d’un rêve pour parler d’une « fenêtre » sur sa couverture, avec « un charpentier derrière, fabriquant des objets compliqués ». Cette expérience imprègne l’album, elle enflamme la chanson « Christmas Can Wait » ; ailleurs, le groupe rend hommage à Mark Hollis et, dans « The Father of Time Wakes Up », ils pleurent la mort de Prince.

En ces temps imprévisibles et criblés de cicatrices, alors que le monde se consume, peut-être qu’il n’est rien de moins tendance que l’épopée rock psyché d’une heure d’un groupe de grands maîtres canadiens. (Là encore, il se peut qu’il n’y ait rien dont nous n’ayons plus besoin.) The Last of the Great Thunderstorm Warnings est un requiem flamboyant : neuf airs qui en sont un, six musiciens qui forment un groupe – un groupe déchaîné et sans contrainte, pénétrant, en Technicolor. Les Besnard Lakes sont exactement où il faut être.