Biche

La Nuit des Perséides

Sortie le 26 avril 2019

Banquise Records

« Qu’est-ce que la vie ? Un délire. Qu’est-ce donc la vie ? Une illusion, une ombre, une fiction […] car toute la vie n’est qu’un songe, et les songes rien que des songes ».

 

Ces quelques mots n’ont pas été obtenus après la Google traduction d’une chanson de Kevin Parker. Pas plus qu’il ne s’agit d’une réplique du Truman Show. Non. C’est un extrait La vie est un songe de Calderon (né et mort avant Twitter) et cela résonne parfaitement avec La nuit des Perséides, premier album de Biche, fruit d’un long rêve éveillé qui dure depuis 6 ans. Et qui donne aujourd’hui naissance à cette flânerie où un héros imaginaire attend impatiemment chaque nuit, chaque chanson, pour oublier la réalité.

 

Loin de toutes les comparaisons possibles (Tame Impala étant celle qui saute aux yeux pas encore fermés), Biche est né en 2012 dans la tête d’Alexis Fugain. Avec ses quatre faons (dont Alexis Croisé derrière le projet Mottomoda), il a fait sienne la devise de feu Pierre Barouh : « il y a des années où on a envie de ne rien faire ». Conclusion : il aura fallu 6 ans de divagations, ponctuées par le premier 45t La Nébuleuse de Sienne, pour arriver à cet album. Biche, en clair, a pris son temps. Et cet éloge à la paresse besogneuse, on le retrouve sur L’Essor (« passer du temps à ne rien faire / et bien le faire ») ; un titre qui, en un roulement de batterie, permet à l’auditeur d’être transporté dans les songeries du groupe. Est-il question de sous-marin jaune ou du lapin blanc d’Alice ? Plutôt d’harmonies dont on saurait se souvenir au réveil, comme une rémanence.

 

Ayant échappé à la vague néo-psyché, elle-même emportée depuis comme un ouragan, Biche a préféré lentement sortir du bois. Littéralement. C’est dans un studio des Yvelines, entouré par la forêt, que le groupe est né et qu’il a su revenir à sa langue maternelle après avoir, brièvement, tenté l’anglais. Ce qui n’empêche pas de pouvoir dire, sans ciller, que La nuit des Perséides vise dans la même direction que le Revolver des Beatles. Même soucis des arrangements, même obsession pour ces sons de guitares si high and dry. Rajoutez ce son de basse qui, de Burgalat à Air a fait les beaux jours de l’export français, et vous obtenez un « semi concept album » assez compact pour s’écouter d’une traite mais suffisamment aéré pour qu’on y revienne, par plaisir, pour le découper en tranches. Des graines de Todd Rundgren planquées sous le Mellotron, des bouts d’effets garages à la Thee Oh Sees (sur Fugue), de la pâte à François de Roubaix bien malaxée, tout est là : ça vient juste de sortir du four mais le temps aidant, rien ne sent le réchauffé.

 

Produit par Vincent Hivert et Alexis Fugain, qui signe également toutes les compositions, ce premier album à la pochette si minimale (et tellement Blue Note) contient également deux instrumentaux (Film noir et Mon morceau préféré). C’est le temps nécessaire pour redescendre, revenir sur terre, puis repartir. En astronomie, les Perséides désignent une pluie météores visible dans l’atmosphère terrestre. Au rythme où vont les choses, chez Biche, cette étoile pas si filante est faite pour durer. Ca devrait nous laisser le temps de tout apprendre par cœur.