Warm Digits

Flight Of Ideas

Sortie le 10 avril 2020

Memphis Industries

Warm Digits sur Flight of Ideas lancent un appel aux armes : quand on est persuadés que nos idées sont les bonnes, que risque-t-on à ignorer la possibilité de se tromper ? En se penchant sur l’histoire de la psychologie afin de savoir ce qui arrive lorsque les idées perdurent, ils mettent en place, avec leurs chanteurs invités, un échange musical entre agit-funk fluorescent, synthés aux couleurs primaires et couches de guitare noise. Le duo motorik space-disco aux accents post-punk Warm Digits explose en technicolor avec Flight of Ideas, un album qui reproduit sans effort la très appréciée désinvolture de leurs concerts tout en colonisant un territoire toujours plus accessible et mélodieux. Cet LP invite au chant Paul Smith (Maxïmo Park), The Lovely Eggs, The Orielles, Rozi Plain et Emma Pollock (The Delgado).

Aussi à l’aise sur la scène d’un spectacle pour enfants que dans l’ombre de l’observatoire Jodrell Bank, Warm Digits sont allés de l’avant à la suite de leur très apprécié Wireless World, album de 2017. Flight of Ideas bénéficie d’une approche musicalement éveillée, même prudemment optimiste, emplie d’un sens de la mélodie et d’un son basé davantage sur les chansons, tout en restant fidèle à la tornade sonique au cœur du groupe.

Avec l’aide d’Emma Pollock (ex-Delgado), Paul Smith et des révisionnistes indie-dance qui montent The Orielles, les Digits n’ont jamais frappé plus fort. Qu’on fantasme sur un concert de Can et The Chemical Brothers dans une usine de feux d’artifices qui explose, ou sur une session jam de Gang of Four et Giorgio Moroder sur Jupiter, Warm Digits répondront à vos attentes.

Perpétuellement en recherche d’inspiration en dehors des sentiers battus, Warm Digits se sont plongés dans l’histoire des interactions humaines et ses échecs, combien les idées et théories peuvent perdurer en tant que sagesse transmise bien après leur date de péremption. En farfouillant dans les recoins les plus poussiéreux de l’histoire, ils ont découvert avec étonnement un tas de choses toujours d’actualité, des métaphores de la modernité qui paraissaient presque accidentellement importantes : par exemple une expérience controversée des années 1970, dans laquelle un professeur de psychologie affirmait avoir infiltré plusieurs hôpitaux psychiatriques afin de prouver combien qualifier une personne de « saine d’esprit » et une autre de « folle » était arbitraire, ou encore une étude prouvant que les femmes avaient deux fois plus de chances d’être blessées à la suite d’accidents de la route en raison du design des voitures, établi à l’aide de mannequins de crash tests exclusivement masculins, et enfin les efforts des psychanalystes pour représenter une toile blanche pour leurs patients, plutôt que des êtres humains avec leur propre point de vue. Le nom de l’album lui-même, « Flight of Ideas », est un terme de psychologie illustrant un schéma de pensée saturé et désordonné, un état psychologique qui pourrait aisément aller de pair avec l’actualité mondiale de notre époque.

Empreintes de l’esprit agité des Digits et de leurs invités, ces inspirations sont plus proches de l’appel aux armes que d’une table ronde classique. « Fools Tomorrow » se sert du langage des révolutions scientifiques et d’un tourbillon d’électro shoegaze pour nous montrer que reconnaître d’avoir tort peut changer notre vie. « Replication » s’inspire de l’influence perpétuelle de Steve Reich et de compositeurs de musique électronique comme Laurie Spiegel pour créer une irrésistible étincelle rythmique luminescente. Emma Pollock prête sa voix à « The View from Nowhere », un titre sur deux personnes qui réfléchissent à ce qui les rapproche intimement et ce qui les éloigne. Il pourrait parler de n’importe quelle relation, mais le titre est une référence à la manière dont les psychanalystes se sont historiquement réduits à une toile blanche pour leurs patients, comme s’ils pouvaient proposer « un point de vue de nulle part » afin de rester totalement objectifs. The Lovely Eggs profitent de l’implacable élan dynamique instauré par les Digits pour joyeusement partir en croisade contre les systèmes de contrôle et de classification à l’aide d’un refrain turbulent et éclatant, tandis que Rozi Plain fait la nique à l’insécurité sur le battant « Everyone Nervous », qui a des airs de discours d’adieu. Soyez fiers de douter !

Dans un monde dont la réalité change quotidiennement, la vérité suit son propre chemin, on est submergés par une avalanche de possibilités, et on peut avoir l’impression que nos vies se dirigent tout droit vers le chaos. La question est : devons-nous « Feel the Panic » ou « Shake the Wheels Off » ? Avec une glorieuse désobéissance et des grooves éclatants, Flight of Ideas fait appel aux expériences passées pour apporter des réponses, et nous met au défi de les écouter.