Swim Deep

There's A Big Star Outside...

Sortie le 07 juin 2024

Submarine Cat Records

Si une chose est claire à la sortie de There’s A Big Star Outside, leur quatrième album, c’est que Swim Deep n’est plus le groupe qu’on a toujours connu.

 

Après une série de remises en question personnelles et des montagnes russes professionnelles, le quintette – formé par le chanteur Austin « Ozzy » Williams, le bassiste Cavan McCarthy, le claviériste James Balmont, le guitariste Robbie Wood et le batteur Thomas Fiquet – nous revient en 2024 avec une renaissance créative liée à une collaboration étroite avec l’artiste solo et producteur adoré Bill Ryder-Jones. Avec cette œuvre plus brute, sensible et mature que jamais, ils se tiennent à présent au bord d’un précipice familier mais complètement nouveau : un disque de Swim Deep tout en confiance et savoir-faire, qui aurait été tout simplement impossible dans leur vingtaine.

 

There’s A Big Star Outside s’enracine dans les bouleversements qu’Ozzy a vécus à l’aube de ses 30 ans : le mariage, la paternité ainsi que la perte d’êtres chers. Mais le disque doit beaucoup également aux révélations plus progressives qui ne viennent qu’en vieillissant et en se confrontant véritablement à soi-même. « Un ami m’a confié que la meilleure chose que son thérapeute lui avait dite était de s’imaginer comme un enfant de cinq ans et de se décrire. J’ai immédiatement vu cet enfant incroyablement courageux et confiant, mais extrêmement anxieux, et je pense que j’avais toutes ces émotions en moi dès le début. »

 

La route menant au quatrième album de Swim Deep a été une période de profond examen de conscience, mais aussi une phase durant laquelle le groupe a été mis à l’épreuve en de nombreux points. Après tout, ils sont probablement le seul groupe à pouvoir dire qu’ils ont été personnellement invités à assurer la première partie d’Harry Styles à l’O2 Arena de Londres, puis aussi qu’ils ont joué « devant deux personnes à l’université de Buckinghamshire » en l’espace d’un cycle d’album.

 

Cet album, Emerald Classics (2019) – leur premier après le départ de deux membres du groupe originel – a été salué par la critique comme l’un de leurs travaux les plus audacieux et les plus inventifs, avec le single phare « To Feel Good » et ses 3 millions d’écoutes sur Spotify dans la foulée de sa sortie. Une tournée couronnée de succès, de Birmingham à Pékin, a suivi, consolidant la place de Swim Deep parmi les groupes britanniques les plus appréciés dans le monde. Mais voilà 2020, et ses dommages collatéraux: concerts annulés, sessions d’enregistrement abandonnées, éloignement des membres qui déménagent dans différents pays, et rupture des relations avec le label et le management. James ira jusqu’à avoir l’impression que le groupe était fini.

 

Ça n’a jamais été le cas pour Ozzy, mais il a eu ses propres problèmes pendant cette période. Sujet à une anxiété extrême, il décrit avoir souffert à un moment donné d’une crise de panique qui a duré six jours.  « Mon cœur battait à tout rompre pendant tout ce temps. Les médecins n’arrivaient pas à savoir ce que c’était. » Mais il n’est jamais resté plus de deux semaines sans écrire, élaborant des chansons qui reflétaient les changements tangibles qui se produisaient dans sa vie.

 

Ozzy a passé beaucoup de temps à réfléchir: aux éléments les plus difficiles de son enfance qu’il avait enfouis pendant des années, à sa propre évolution en tant qu’adulte et aux personnes perdues en cours de route. Lorsque lui et sa nouvelle femme ont appris qu’ils attendaient leur premier enfant, il a commencé à réfléchir à ces idées en relation avec le nouvel être qu’ils étaient sur le point de mettre au monde, et au genre de père qu’il voulait être. C’est ainsi que sont nées des chansons comme « How Many Love Songs Have Died In Vegas », une complainte sur le mariage brisé de ses parents durant son enfance, et sur la façon dont cela l’a affecté directement ainsi que dans ses relations avec les autres.

 

« Mes parents m’ont donné beaucoup d’amour et m’ont appris à être gentil, juste et généreux. Mais je ne pense pas qu’on puisse sortir de l’enfance sans traumatisme, – et la façon dont j’ai appris l’amour a été, malheureusement, de voir mes parents se détester, explique-t-il. Cette chanson parle du fait de voir des gens s’aimer de cette façon, ce qui est une mauvaise façon d’aimer quelqu’un, puis d’avoir moi-même un enfant et de découvrir les comportements que je ne veux pas transmettre et ceux que je veux transmettre. »

 

Ailleurs, il se penche sur la perte et le cycle de la vie sur « These Words ». Ce morceau, et sa phrase centrale, “death comes to mock a point in time” (« la mort vient se moquer d’un moment »), sont nés d’un moment personnel très spécifique : « J’échange avec un proche qui est en train de perdre quelqu’un, dont le pronostic vital correspond à la naissance [de notre bébé], comme une correspondance surnaturelle mais sombre. Cela nous a perturbés. La mort se présente à des moments qui ne semblent pas justes, mais nous vivons tous au rythme de cette horloge qui nous tout petits. »

 

En ce sens, le quatrième album de Swim Deep – riche de guitares acoustiques et de notes florales typiques du clavier Mellotron (qu’on doit justement à leur ville natale de Birmingham) – n’a pas de raison d’être aussi savoureux et élaboré qu’il l’est. Mais There’s A Big Star Outside… n’aurait pu voir le jour qu’à l’issue de ces années éprouvantes. Il reprend les rêves de jeunesse de leur premier album et l’expérimentation pleine d’excitation des suivants, tout en les conduisant vers un espace plus assuré, avec l’aide considérable du producteur Bill Ryder-Jones, qui est devenu un mentor tout au long de ce voyage. « Bill a extrait de moi une grande partie de l’album. Le sens de l’audace qu’il m’a inculqué, tout comme le fait de ne pas me cacher derrière la musique, ont vraiment permis à l’album de s’épanouir et d’être ce que je voulais qu’il soit. C’est un peu cliché, mais j’ai l’impression d’avoir écrit pour cet album durant toute ma vie. »

 

Ce couple groupe-producteur, Cavan y poussait depuis des années, mais Ozzy ne s’y était jamais senti prêt. « Je n’avais jamais pensé que j’en étais digne », admet-il. Mais de leurs premiers appels téléphoniques, en passant par une série de sessions aux Yawn Studios de Bill dans le Wirral, à l’ouest de l’Angleterre, jusqu’à une période d’enregistrement de deux semaines à Bruxelles aux ICP Studios (lieu de naissance, auparavant, du premier album, Where The Heaven Are We, et du deuxième, Mothers), la collaboration s’est révélée immédiatement fructueuse. Elle a été rendue possible par un respect mutuel, une passion commune pour des groupes tels que Red House Painters, The Verve et Super Furry Animals, une oreille attentive aux mélodies les plus émouvantes, et une recherche d’authenticité maximale dans les chansons.

 

L’envie d’aller de l’avant qui a toujours sous-tendu la production de Swim Deep est présente, utilisée de manière habile et nuancée. La catharsis shoegaze de « First Song » est née après que Cavan ait fait découvrir Mogwai à Ozzy. « Very Heaven » apporte des cuivres entraînants et une électro scintillante. Son titre provient d’une citation de William Wordsworth : “Bliss was it in that dawn to be alive, but to be young was very heaven”, – (« Dans cette aube, quelle extase c’était d’être en vie, mais être jeune était un vrai paradis »). « Big Star », quant à elle, reprend la teinte sépia présente dans la musique de Swim Deep et la distille dans ce qu’Ozzy considère comme sa forme la plus pure. « “Big Star” est le son que j’ai toujours imaginé pour Swim Deep, mais que je n’avais jamais réussi à traduire. Ce sentiment de désir et de nostalgie, mais pour un temps présent, – un « âge d’or » durable. Les gens parlent d’une époque dorée, mais neuf fois sur dix, c’est maintenant que ça se passe. »

 

Il est tout à fait approprié que ce soit le message auquel Swim Deep est parvenu, car There’s A Big Star Outside… ressemble vraiment à un moment en or pour le groupe. En plus de dix ans dans l’industrie, ils ont connu des hauts et des bas, mais leur quatrième album semble exister en dehors de tout ça. Il s’agit moins de courir après les prochains échelons du succès que de clouer au mât leur drapeau d’artistes, d’adultes et de groupe qui a toujours été là pour plus que des scènes éphémères et un buzz précoce.

 

« J’ai l’impression qu’il y a un travail inachevé. J’ai l’impression d’avoir une dette envers nos fans et envers ce qu’est Swim Deep, – envers l’entité qu’il représente. Parfois je me demande où j’en serais arrivé si j’avais travaillé dans une entreprise pendant tout ce temps, ou je me dis que j’aurais pu faire ceci ou cela. J’ai peut-être sacrifié pas mal de choses. Mais voilà ce que je veux faire : je veux regarder en arrière et voir les disques de Swim Deep. »