Texoprint

Modern Living

Sortie le 26 septembre 2025

Texoprint n’est pas le genre de groupe que l’on écoute distraitement en fond sonore. Leur musique exige votre attention, voire votre reddition. Elle est brute, bruyante, bouleversante, complexe. Ils n’écrivent pas pour rassurer, mais pour faire ressentir. Point final. Et ils le font ensemble. Toujours ensemble.

 

Le trio, composé de Jasper Werij, David Pop et Redwin Rolleman, s’est rencontré à la Herman Brood Academy, réunis par un amour commun pour les sons abrasifs et un besoin viscéral de créer quelque chose d’authentique. Très vite, ils sont devenus les « garçons bruyants » du campus : inséparables, déchaînés, toujours en train de bricoler leur prochaine expérimentation sonore.

 

Ce qui n’était au départ qu’un projet d’école s’est vite mué en quelque chose de plus sérieux, de plus affirmé : un groupe sans étiquette précise, mais avec une vision claire. Leur premier concert ? Une fête du Nouvel An en 2019. Ils avaient oublié leurs morceaux, étaient trop ivres pour jouer correctement, et ont fini par improviser une demi-heure de chaos sonore. Le public a fui, sauf deux inconditionnels du noise restés jusqu’au bout. Un désastre. Et pourtant, le vrai commencement.

 

À leurs débuts, ils s’appelaient Kalaallit Nunaat, le nom autochtone du Groenland. Un choix bien accueilli au départ, mais qui a vite soulevé des questions. « Trois Hollandais blancs ne peuvent pas s’approprier un nom indigène », reconnaissent-ils aujourd’hui. Le changement de nom n’a pas été facile, mais nécessaire. Texoprint, en référence à une usine où travaillait le père de Redwin, leur a tout de suite paru plus juste : plus personnel, plus proche, plus DIY. À leur image : ils impriment leurs propres merchs, créent leurs visuels, font tout eux-mêmes.

 

Décrire leur son ? Bonne chance. Si vous insistez, imaginez un nuage de réverbérations furieuses, de guitares lacérées, de voix à vif, de textures rugueuses, traversé parfois par un éclat de mélodie ou un souffle de mélancolie. Tout naît dans la salle de répète. Pas de démos enregistrées en solo dans une chambre. Pas d’ego. Juste l’intuition, la confiance et le chaos sculpté en quelque chose de cohérent.

 

On y perçoit des échos de My Bloody Valentine, Christian Death, The Jesus and Mary Chain… mais Texoprint ne ressemble à personne. Ils fuient l’évidence. La répétition est leur ennemie. La prévisibilité, un péché. C’est leur pacte tacite.

 

Côté textes, ils plongent dans l’étrange et le singulier. David écrit sur les sous-cultures numériques et les réalités marginales, comme dans ‘Street Theater’, qui explore la paranoïa de ceux qui pensent être victimes de harcèlement criminel. D’autres morceaux traitent d’anxiété, de TDAH, d’angoisse existentielle ou de cette nostalgie étrange d’un rêve où l’on retourne au lycée. Redwin et Jasper écrivent avec les tripes ; David, avec sa fascination pour des figures obscures. Cette tension donne à Texoprint un équilibre rare.

 

Leur nouvel album, Modern Living, marque une étape. C’est le fruit de plusieurs années de maturation, de bruit, de recherche, de cohérence. Plus abouti que leurs travaux précédents, il reste fidèle à leur esthétique brute. Le titre vient d’un vieux livre de décoration des années 1970 traînant chez Redwin, et joue malicieusement avec l’esprit post-punk des noms abstraits. C’est à la fois ironique, visuel, et entêtant.

 

La pochette en dit long : deux touristes immobiles, figés dans l’hésitation, tandis que la marée monte autour d’eux. Photographiée par Jules van Eijs dans une zone de marée de la province néerlandaise du Zélande, elle capture l’ambiance de l’album : une beauté inquiétante, une menace sourde. Fidèles à leur approche visuelle, ils ont collaboré par le passé avec Roy Vastenburg et Yonah de Beer : chaque projet est un dialogue entre le son et l’image.

 

De projet scolaire, Texoprint est devenu un groupe à la vision artistique affirmée, sans compromis. Modern Living a été enregistré dans deux lieux qui comptent : le Mailmen Studio (où ils ont enregistré leur tout premier EP) et le Sahara Sound Studio, leur repaire de toujours. Le mix a été confié à Koen Verhees de SØWT, un ami proche et partenaire sonore.

 

Et leurs attentes ? Floues. Ils créent parce qu’ils le doivent, parce qu’ils n’ont pas d’autre façon d’exprimer certaines choses.

 

Leurs rêves ? Grands mais lucides : plus de concerts, plus de pays, plus d’occasions de crier ensemble dans le vide. Une base européenne, peut-être même un jour au Japon ou en Amérique du Sud. Pas pour la gloire. Pas pour l’argent. Juste pour continuer à faire ce qu’ils aiment dans un monde qui, souvent, minimise la valeur des artistes.

 

Texoprint est en colère. Texoprint est uni. Texoprint hurle. Et si vous tendez l’oreille, vous l’entendrez aussi.