Someone

Shaplifter

Sortie le 10 septembre 2021

Tiny Tiger

Qui est Someone ? La femme derrière l’écran opaque dressé sur scène, baignant dans des images d’un autre monde ? L’esprit qui se cache derrière les cônes, les cubes et les merveilles géométriques en réalité augmentée qui surgissent de la pochette du premier album Orbit II sorti l’année dernière ? La métamorphose stylistique derrière ce nouvel album intimiste et cinématographique ? Le cœur, l’âme et la voix derrière une musique aussi légère que Air, aussi fragile que Feist, aussi profonde que Nick Drake et aussi future-psych que Tame Impala ?

S’il nous faut mettre le nez dans sa bulle et lui donner un nom, laissons la être Tessa Rose Jackson, et que son histoire soit incroyablement exotique et pleine d’intrigues. Née à Amsterdam de deux mères lesbiennes et d’un père gay marié, « dans une drôle de petite bulle d’amour hippie, – j’ai été élevée avec énormément d’amour autour de moi parce que j’avais deux fois plus de parents », dit-elle. Dès son premier cours de chant à l’âge de 13 ans, elle acquiert la certitude que sa place est sur scène pour toujours. A partir de là, elle est orientée du Conservatoire d’Amsterdam jusqu’à la BRIT School de Londres, où une passion pour la production s’installe. « J’aimais la production par-dessus tout. Je me suis éloignée de la direction jazz que je suivais et j’ai découvert que j’aimais vraiment écrire ma propre musique, chose que je n’avais pas vraiment envisagée avant. Et ensuite j’ai par-dessus tout aimé l’enregistrer et pouvoir l’arranger, créer ces petites bulles de son. »

En 2017 naît Someone. Musique electronique mais artistique, pop mais posée, synthétique mais pleine de cœur, vaporeuse mais pleine de sens et d’émotion, produisant tout elle-même dans son propre studio.

L’art fait également partie de l’essence de Someone. L’artwork géométrique SF de l’EP Orbit en 2019 – porté par les merveilles de dream pop « Here », « Two Satellites » et « Pull It Together » – était conçu pour être visionné via une application de réalité augmentée qui faisait tourner, glisser et se soulever ses cônes et ses rectangles cosmiques directement sur la pochette. En live, Someone jouait souvent derrière un écran qui projetait ces hallucinantes images abstraites, sur des formes en polystyrène ou sur tout autre décor disponible.

En 2020, Someone a rassemblé le meilleur de ses deux EP, et quatre nouveaux morceaux, au sein d’Orbit II, un premier album sur « la société et la gestion du monde dans lequel nous vivons en ce moment, avec une pincée d’angoisse existentielle au sujet de l’avenir. » Puis l’avenir nous a tous rattrapés. Lorsque le COVID a frappé, Someone a interrompu la promotion d’Orbit II et s’est retrouvée à « écrire de la musique sans arrêt avec le confinement, parce que c’est la chose autour de laquelle je gravite automatiquement. »

Les chansons qui ont émergé étaient plus intimistes, acoustiques, d’une élégance toute cinématographique, en velours. « C’est presque comme une thérapie, explique Tessa. Je veux m’apaiser et me rassurer et partager cette sorte d’intimité. » Au fur et à mesure qu’elle enregistrait les morceaux, demandant à de vieux amis et collaborateurs de participer, comme pour maintenir des liens durant le confinement, elle est tombée sur une mélodie chaude et somptueuse, proche d’une Joni Mitchell futuriste. « Quand j’ai besoin de me rassurer, c’est le genre de musique que j’écoute, dit-elle. L’album s’appelle Shapeshifter parce qu’il s’agit de se réinventer, de se réinventer soi-même et d’être capable de faire face à ce que le monde nous envoie dans la tête, comme par exemple un confinement. Etre capable de se réveiller chaque jour et de sentir qu’on peut encore faire quelque chose de nouveau, ou trouver de nouvelles façons de garder cette passion vivante. »

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un album de confinement à strictement parler, Shapeshifter fait certainement écho à son temps. « Save Me » et « Strange World » chantent une époque fantasmagorique où le temps ralentit et où nos souvenirs du monde extérieur ressemblent de plus en plus à un rêve, mais aussi les « chemins bizarres sur lesquels nous nous retrouvons et dont l’issue est non moins étrange. » Et des titres océaniques à la Feist tels que « Health », « I’m Not Leaving » et l’émouvant point culminant choral de l’album « Shapeshifter » abordent ce genre de luttes pour la santé mentale auxquelles nous sommes tous confrontés – apprendre à vivre à temps plein avec nos démons, nos regrets et l’exploration de nos ténèbres intérieures quand il n’y a tout simplement pas moyen d’y échapper.

« Cette période est plus que jamais un temps propice à la réflexion », confie-t-elle. Nous avons tous été enfermés avec nous-mêmes et ça provoque de nouvelles idées et de nouvelles prises de conscience. »

Au fur et à mesure qu’il progresse, Shapeshifter se met à ressembler de plus en plus à un soutien de nature sonore. La chanson à cordes « Take It As It Comes » est au meilleur endroit pour nous rappeler que vivre le moment présent est toujours la meilleure approche de la vie, et « Nothing Really Matters » expose une philosophie de l’acceptation de soi. « A ce moment de ma vie, je commence à accepter qui je suis et aussi à voir la beauté de mes propres limites », confie Tessa. « Nothing Really Matters » parle du fait de trop réfléchir et de se dire que « non, dans l’ensemble, rien ne compte ». Cela peut nous terrifier ou nous faire nous sentir mieux car dans ce cas, on peut juste essayer de faire un peu de bien autour de nous. »

Parfois, comme nous l’avons tous déjà fait, Shapeshifter jette un coup d’œil au monde et est horrifié par ce qu’il voit. Si l’« évasion » glaciale de « Midnight In Paris » (qui dépeint la romance rose bonbon du premier voyage d’un jeune couple dans la capitale française), puis une reprise bucolique proche du « Blowing In The Wind » de Dylan, regardent en arrière, en direction des « temps d’avant », alors « Empathy » est un regard déconcerté et terrifié sur le naufrage démocratique laissé dans le sillage de Trump. « Etre empathique est la chose la plus importante, reconnaît Tessa. Mais récemment j’ai eu un vrai blocage mental avec toute cette affaire Trump. Comment peut-on sérieusement penser ça ? Comment peut-on sérieusement faire ça et ne pas voir que c’est si dangereux et si mauvais ? Ça provoque beaucoup de frustration et de colère chez moi parfois, et je ne suis pas quelqu’un d’irascible. »

Avec la chanson jumelle « One By One », qui invite à « continuer à avoir foi dans les gens », malgré le sentiment d’être piégé entre des factions en conflit, Shapeshifter est un album qui parle de rester doux (envers soi comme envers les autres), de se débarrasser de ses bagages, de défier ses démons et d’accepter toutes les nuances qui nous composent. Avec cet album beaucoup plus personnel et cinématographique qu’Orbit II, Someone prévoit de faire des « petites vignettes filmées » pour accompagner le thème de chaque chanson et s’attend à une expérience live plus dépouillée, sans la séparation induite par l’écran et les visuels. « Sur cet album, tout est personnel, alors qu’avant tout était esthétique et abstrait, explique l’artiste. Je me suis dit que je voulais peut-être aller complètement à l’opposé – l’une des raisons pour lesquelles j’ai appelé l’album Shapeshifter, c’est que je trouvais amusant de prendre le chemin inverse de tout ce que je dis, de dépouiller le spectacle pour ne laisser que moi et le groupe faire notre musique. »

Qui est Someone ? Préparez-vous à l’entrevoir de très près.