Poliça

When We Stay Alive

Sortie le 31 janvier 2020

Memphis Industries

Au début de l’année 2018, Channy Leaneagh, occupée à dégivrer son toit, chute ; une vertèbre lombaire fracturée, et la colonne vertébrale touchée. Channy est immobilisée pendant des mois. Le quatrième album de Poliça, When We Stay Alive, ne parle pas d’un accident. Il parle du pouvoir rédempteur de revisiter son histoire, permettant de guérir et de retrouver son identité grâce au processus d’écriture.

 

Pendant sa convalescence, le médecin de Leaneagh, outre la guérison physique, lui conseille de méditer sur l’acte psychologique de guérison, se débarrasser de la colère, des regrets, de la peur qu’elle éprouve après sa terrible chute. Et pour ça elle doit réécrire l’histoire de cet accident du 28 février. Seule avec ses pensées, le dos immobilisé, Leaneagh s’imagine glisser puis tomber, non pas sur du ciment, mais sur un nuage, atterrissant doucement, puis chutant sur la neige qui après avoir fondu révèle de longs brins d’herbe verte. Elle commence à sentir les effets positifs de cet exercice mental, et elle décide de l’utiliser également pour les autres blessures et souffrances passées.

 

Avant son accident, Leaneagh met la musique de côté pour élever ses enfants et travailler comme aide-soignante. Une fois otage de la convalescence, elle s’aperçoit que des tas de sentiments commencent à prendre de l’importance. Elle se rend compte que son identité personnelle a commencé à s’attacher à ses traumatismes physiques et mentaux, et elle s’imagine une vie libre de tout fardeau du passé. « Je voyais les choses différemment à propos de beaucoup de choses. Je me disais : “Il m’est arrivé ça, mais aujourd’hui je vais bien. C’est terminé, et j’ai reçu l’aide nécessaire pour m’en sortir. Maintenant je dois réécrire l’histoire que je raconte et que je me suis racontée” », explique-t-elle.

 

L’album a été écrit à deux périodes différentes, la moitié avant l’accident, l’autre moitié après, et pourtant les morceaux se fondent les uns aux autres dans un tout cohérent et salutaire. Les morceaux écrits avant sa chute abordent les idées avec un sentiment intense d’anxiété et de souffrance : le passionné « Forget Me Now » s’interroge sur les forces qui amènent deux personnes à faire sortir ce qu’il y a de pire en eux, tandis que sur le poignant « Steady » Leaneagh se bat avec la pression soudaine de devenir le chef de famille lorsque ses parents ont déménagé. « TATA » est une chanson inspirée du sang-froid dont on doit faire preuve face à des réunions communautaires tendues où la colère continue de monter contre Northern Metals, une entreprise du nord de Minneapolis au cœur d’une affaire de pollution.

 

Inspirée par la force puisée lors de son processus de guérison, Leaneagh a une approche différente dans la seconde moitié des chansons, elle repense son passé, elle revient sur des expériences personnelles difficiles pour y apporter une réflexion, une force, une lumière qui n’étaient sans doute pas là à l’époque. « Feel Life » aborde le processus de déplacement de la douleur en tant que réflexe de survie pour Leaneagh, lui permettant de voir plus loin que ce qui lui manque à un moment précis. Elle se recentre sur elle sur l’envoûtant « Be Again », une chanson enregistrée alors qu’elle réapprenait à chanter en portant un soutien orthopédique. « Pour moi cette chanson est une méditation personnelle. Pour me débarrasser de cette dissociation avec laquelle je vis depuis presque toujours. » « Blood Moon » lui permet de s’apercevoir combien maintenir une carapace peut isoler plutôt que protéger. « Je peux regarder en arrière et affirmer que la musique a toujours été là pour me permettre de m’exprimer, de dire ce que je ressens, ce que je veux, ce dont j’ai besoin dans mes chansons. Je retrouve toujours courage sur scène, c’est là que je me sens vivante, et je serai éternellement reconnaissante envers la musique et les gens avec qui je fais de la musique. »

 

On observe un son plus assuré sur When We Stay Alive, ses chansons sont farouches, déterminées, ancrées dans les lourds synthés et les beats de Ryan Olson, cofondateur et producteur de Poliça. Depuis des années Olson et Leaneagh ont collaboré avec de nombreux musiciens internationaux, comme Bon Iver. Leaneagh a collaboré avec Boys Noize, Lane 8, Sasha, Leftfield, et Daniel Wohl. Olson, avec Swamp Dogg et nombre de musiciens du collectif 37d03d. Les musiciens qui ont participé à When We Stay Alive sont parmi les plus nombreux à avoir collaboré sur un album de Poliça. Pour la création de cet album Olson a fait appel à ses collaborateurs favoris et les a invités dans son studio pour des sessions nocturnes. Il envoyait ensuite les fichiers à Leaneagh pour qu’elle écrive les paroles. Elle les enregistrait ensuite seule, ou avec l’ingénieur du son Alex Proctor. Les batteurs Drew Christopherson et Ben Ivascu ont apporté une nouvelle touche aux chansons en changeant totalement la dynamique rythmique grâce à une orchestration hybride entre live et électronique, tandis que Chris Bierden, bassiste, a créé une ligne de basse très mélodique et des chœurs plus nuancés que jamais.

 

Sur les trois premiers albums de Poliça, Leaneagh avait cherché à restructurer le monde et ses relations dans ce monde. Sur When We Stay Alive, elle reconnaît le pouvoir d’une restructuration intérieure. Le titre de l’album est une référence au fait d’aller de l’avant dans la vie, et à ce qu’il se passe ensuite quand on puise de la force dans nos expériences, bonnes ou mauvaises. « J’ai vécu sans m’en rendre compte dans des traumatismes passés. Je ne veux pas occulter ce qui s’est passé – il ne s’agit pas de refouler –, mais je veux reprendre le pouvoir au passé, et le garder dans le présent, pour créer ma nouvelle histoire. »