Pitou

Big Tears

Sortie le 24 mars 2023

V2 Records

L’éveil de Pitou à la musique s’est produit de manière improbable. L’artiste néerlandaise se passionne dès son plus jeune âge pour la musique classique : son père la trouvait souvent accroupie devant la radio, faisant défiler les stations à la recherche d’orchestres et de chœurs. A 9 ans, Pitou commence à chanter dans une chorale d’enfants, et se produit rapidement sur scène, au baptême de Catharina Amalia, la princesse des Pays-Bas, et dans des salles de renom à travers l’Europe, comme le Berliner Philharmoniker et le Het Concertgebouw, à Amsterdam. « Chanter avec d’autres chanteurs, créer des harmonies ensemble, m’a fait me sentir comme jamais auparavant », dit-elle à propos de cette période.

 

C’est un souvenir qui continue de l’inspirer. Big Tear, son très attendu premier album, est une collection riche et créative de pop indé qui puise dans sa formation classique : harmonies et structures de chansons inattendues, superposition de voix, boucles, mélodies nostalgiques et instruments classiques, tourbillonnant ensemble de manière élégante et intelligente.

 

Nourri de son amour pour la musique classique et des années passées dans la chorale, le disque porte aussi la trace de sa propre progression, à la fois comme songwriter et comme interprète. « Pour mon premier album, je savais que je voulais m’éloigner de la guitare systématique, explique-t-elle. Je voulais aussi voir ce que ça fait de raconter les histoires de mes chansons sur scène avec seulement mon corps et ma voix, sans la contrainte physique de la guitare. » Désireuse d’aller vers d’autres univers sonores, elle a embrassé les possibilités créatives offertes par divers instruments comme le piano, la harpe, les synthés, et par l’utilisation de programmes informatiques pour construire et affiner sa musique : certains des morceaux ont été entièrement écrits au piano ou à l’aide de logiciels.

 

Pitou a ensuite transmis ses idées au batteur Mischa Porte et au percussionniste Frank Wienk (Binkbeats). Le trio a ainsi élaboré la structure rythmique des chansons. Produisant elle-même le disque, Pitou a également fait appel à une pléiade de musiciens pour ajouter diverses parties, au point d’enrichir les chansons « d’une manière, dit-elle, que je n’aurais pas pu prévoir à l’avance ». Les membres du groupe, Marc Alberto (saxophone), Lieke Heusinkveld (claviers) et Jasja Offermans (basse) ont également « ajouté tant de choses ». Après avoir donné une série de concerts avec l’ensemble baroque intitulé Baroque Orchestration X, Pitou a voulu les impliquer également. Le producteur PJ Maertens, qui a coproduit l’album, a aidé à enregistrer les instruments baroques et les cordes, jouées par le SunSunSun String Orkestra, tandis que les harmonies vocales (« Rien ne me rend aussi heureuse, dit-elle, que des voix qui se mélangent, qui forment des accords ») ont été enregistrées chez elle, à Anvers, ce qui donne au disque un caractère intimiste et pudique.

 

Tout cela a donné à ses chansons une vie propre, les faisant ressembler à un monde dans lequel on entre. En combinant des instruments classiques et des superpositions vocales, Pitou a créé des chansons neuves, – profondes, touchantes, évocatrices. C’est le cas de « Big Tear », premier single et chanson titre de l’album. Ce qui était au départ une « très lente chanson à la guitare » s’est transformé en une merveille baroque, avec des harpes, des boucles, des cordes et un rythme volontairement calme.

 

Ce sentiment de décalage s’étend au thème de la chanson. « C’est une fable, dit Pitou, qui s’adresse à l’enfant que j’étais. » Elle se souvient d’un moment de son enfance, apparemment banal mais formateur, où elle a rencontré un oiseau mourant dans la rue et a été submergée de tristesse tandis que la vie continuait tout autour. Elle évoque l’image d’un œil géant dans le ciel, versant une grosse larme sur cette scène, la larme engloutissant tranquillement tout et tout le monde. « C’est universel, comme elle dit, nous devons tous vivre avec la perte et le chagrin. »

 

La déconstruction de ces thèmes universels est un motif fréquent dans son travail, et une source d’inspiration. Les précédents EP abordaient le doute de soi et le nouvel amour. Big Tear s’attaque au moment présent (« Animal »), à la rupture (« Melody »), à la marche inexorable du temps (« Greed »). Chaque titre – à l’exception de « Big Tear » – est constitué d’un seul mot, conçu pour sa force visuelle et comme une tentative d’atteindre ce que Pitou nomme « la pureté ou la simplicité. Quand on évoque des sujets importants et des thèmes difficiles, la simplicité est une très bonne amie. »

 

Malgré l’importance de « Big Tear », le cœur de l’album est « Devote », et ce à plus d’un titre. « Être humain », résume-elle à propos de sa signification. « Les mots d’ouverture, – “Nous mourons tous lentement“ (“We are all dying slowly”), c’est ce que nous faisons tous. » La chanson est également réglée sur le même temps que celui d’une horloge, – 60 BPM. « C’est le tempo exact auquel le temps nous traverse, confie-t-elle à propos de cette idée. Le tempo de la vie, en quelque sorte, ou du moins la façon dont nous autres humains mesurons notre vie dans le temps. »

 

Abordant la recherche constante du bien dans le monde, « Devote » est comme un baume. « La chanson parle aussi de trouver la force dont on a besoin quand on sent que la recherche n’avance plus, pour faire demi-tour et retourner vers la lumière. Je vois cette chanson comme le mantra de Big Tear, une chanson à laquelle on revient, qui pourrait être chantée avant ou après chaque autre chanson. »

 

C’est une métaphore appropriée à l’ensemble de son travail. Jamais dans la mélancolie ou à s’apitoyer sur son sort, Pitou imprègne ses chansons de lumière et d’optimisme. D’espoir même. Comme elle le chante dans « Big Tear », « Here we are – stuck in the tear / But you’ll learn to swim here » (« Nous y voilà, – bloqués en pleine larme / Mais tu apprendras à nager ici. »). Ou sur « Dancer » : “I push myself into the light / I need it more than ever” (« Je me pousse vers la lumière / J’en ai besoin plus que jamais »). Consciente de la capacité de la musique à « abattre les murs et à nous dévoiler tous les possibles », elle espère que de tels moments pourront aider les gens à ressentir. « La musique est l’une des plus belles choses que nous ayons pour échapper à notre façon de penser et de vivre au quotidien, dit-elle, et je veux en faire partie. »

 

C’est révélateur de son désir de vivre pleinement sa vie, et de voir quelle beauté habite notre monde. « J’espère que ma musique pourra réconforter et inspirer les personnes qui se sentent bloquées, ajoute-t-elle. Une petite lumière. » Avec sa voix d’ange venue d’une autre dimension et son art hors du commun, Pitou est un phare dans la nuit.