Pale Blue Eyes

This House

Sortie le 1er septembre 2023

Full Time Hobby

Bavardages délirants… cliquetis de canettes de bière… Cocteau Twins à plein régime. De vibrants souvenirs de fêtes et de gens traversent This House, le nouvel album de Pale Blue Eyes. La maison du titre figure sur la pochette, il s’agit de la maison d’enfance du chanteur et guitariste du trio, Matt Board. Entre deuil d’un parent et nouveau départ, c’est non seulement la maison mais l’album lui-même qui sont secoués de haut en bas. Outre ses mélodies entraînantes, The House est riche de ces liens humains qui affirment la vie. La création musicale s’y mue en moyen de guérison.

 

« Quand ma mère est morte, dit Matt, cinq ans après mon père, il y avait une énergie dans l’air qui connectait chaque personne présente dans la pièce. Le temps s’est arrêté. J’ai eu l’impression d’entrer momentanément dans une dimension parallèle située entre la vie et la mort. Des jours, des semaines plus tard, je voyais les gens de ma famille dans chaque recoin de la maison, – les signes, les fantômes et les souvenirs étaient partout. Puis, petit à petit, j’ai eu l’impression qu’il était temps de prendre un nouveau départ, de quitter la maison et mes incroyables parents. »

 

Alors que le premier album du groupe, Souvenirs, captait les souvenirs et la mélancolie liés à la mort du père de Matt, This House en est le voisin immédiat. Le nouvel album a été achevé immédiatement après la mort de sa mère. Dès que l’album a été terminé, PBE a remballé le contenu du studio de Penquit Mill, financé par un prêt bancaire et un boulot d’appoint interminable. C’était un endroit de rêve, – au milieu de nulle part, juste au sud de Dartmoor, à mi-chemin entre Plymouth et Totnes. »

 

Ils ont passé des heures dans ce studio à enregistrer et à autoproduire les deux disques, tout en soutenant la mère de Matt alors très malade. Matt et sa compagne Lucy Board (batterie, synthé, production) sont à présent retournés dans le Nord de l’Angleterre, à Sheffield, la ville natale de Lucy, tandis que le bassiste funk Aubrey Simpson vit entre le Devon et Londres.

 

« C’est un album plus sombre et plus euphorique, avec une urgence à se souvenir et à profiter de chaque instant », confie Matt à propos de ces moments déterminants où l’on tourne la page et dont This House se fait l’écho. « On a affronté la perte dans les deux albums, dit-il, mais cette fois-ci, on a rebâti, en appréciant et en savourant les choses et les êtres qui sont toujours là. » Avec pertinence, les titres « Sister » et « More » célèbrent la complexité des relations entre les proches et les amis.

 

« On a voulu transformer une situation pourrie en quelque chose de positif, dit Lucy, alors on a mis toute notre énergie à faire une musique cool à jouer en concert et qui offre peut-être une issue. » Matt acquiesce : « L’album saisit des moments d’exaltation et de joie à côté de l’humeur grave qui a fini par engloutir notre foyer. Pendant cette période difficile, on a joué dans tout le Royaume-Uni et à l’étranger, portés par l’excitation des gens qui écoutaient ce sur quoi on avait travaillé… tout en sachant que deux jours plus tard, on serait dans un hospice en train de faire nos derniers adieux à ma mère. Le summum de l’abrutissement. »

 

D’après le groupe, ce nouvel album est le « frère quelque peu assagi » de Souvenirs, leur premier album sorti en 2022 et encensé par la critique, pour sa musique « ultrapuissante… orgasmique… [d’une] profondeur infinie », comme l’a qualifiée le magazine Magic.

 

Mixé et masterisé par Dean Honer de Moonlandingz (Róisín Murphy, The Human League, I Monster), avec des jam sessions comme force motrice, This House fait la part belle aux délais analogiques et aux pédales d’effets pour traduire le voyage oscillant de la vie. Des titres festifs comme « Simmering » et « Hang Out » constituent des sommets : ils soulignent l’importance d’appuyer sur le bouton off, pour « apprécier les moments simples, explique Matt, sentir le soleil sur son visage, passer un moment entre amis, contempler le ciel la nuit… »

 

Tout risque de creux se retrouve balayé par les rythmes motorik de « Moog Little Phatty » et de « Prophet 12 », qu’on doit à la fascination de Lucy pour les innovations du South Yorkshire dans le domaine des synthétiseurs. Son mémoire de musicologie s’intitulait « An Investigation into Sheffield’s Alternative Music Scene Between 1973 and 1978, with Particular Reference to Cabaret Voltaire » (Enquête sur la scène musicale alternative de Sheffield entre 1973 et 1978, et en particulier Cabaret Voltaire).

 

Avec This House, les sons de la ville natale de Lucy se mêlent à la passion d’Aubrey pour Motown et divers colosses du funk. Ces pierres angulaires se retrouvent dans le mélange d’accroches pop et de rock psychédélique sophistiqué de l’album. « Heating’s On » est un hymne entraînant, avec ses guitares eighties éclatantes et une partie de trompette assurée par Lucy. « Sister » combine guitare goth-rock et chorale maison, en un savoureux mélange de The Cult et de Joe Meek. « Millions Times Over » prend sa source dans le désespoir pour aboutir à une somptueuse atmosphère aigre-douce, au gré de synthétiseurs chatoyants et d’un chant tout en nostalgie. L’album se clôt sur « Underwater », un morceau émouvant et méditatif d’une ampleur cinématographique.

 

« Ma mère disait toujours qu’elle aimait écouter les sons de l’enregistrement, quand les gens allaient et venaient dans le studio », se souvient Matt.

 

Faisant de la musique un moyen d’avancer, les deux albums de Pale Blue Eyes ont été ponctués d’autres événements importants, comme la création de la bande-son du projet Atmos à Totnes (aux côtés d’une installation son et lumière de Brian Eno). Il y a aussi eu la fois où la bonne vieille Citroën du groupe a explosé entre deux concerts, confirmant une précieuse leçon, devenue la nouvelle devise du groupe : « Il vaut mieux rouler en Berlingo ! », comme le dit Lucy.

 

« Le changement est inévitable, ajoute Matt. Il faut tout accepter, le bon comme le mauvais, et l’horriblement laid. »