Mount Kimbie

MK 3.5: Die Cuts | City Planning

Sortie le 04 novembre 2022

Warp Records

Mount Kimbie est en constante évolution, le groupe ne sait pas faire autrement. D’abord stars précoces de l’underground électronique londonien, ses membres surfent en 2010 sur le succès de leurs premiers EP pour créer l’album Crooks & Lovers. Ils signent ensuite chez Warp, changeant de cap en deux albums aux sources d’influence multiples, entre duo électro et groupe. A chaque instant, ils auraient pu s’en tenir à une formule qu’ils savaient efficace. A la place, ils ont exploré et expérimenté, à la recherche de l’étincelle d’inspiration suivante et d’idées toujours neuves.

 

Treize ans plus tard, cette recherche les a conduits vers de nouveaux horizons. Au cours des cinq dernières années, les deux hommes ont suivi des chemins parallèles : Kai Campos a plongé tête la première dans les clubs d’avant-garde et la musique électronique, tandis que Dom Maker a collaboré avec des chanteurs de renommée mondiale sur la scène fertile de Los Angeles. Réunis pour ce double album, ils proposent un nouvel aperçu des deux visages de leur son. MK 3.5: Die Cuts | City Planning permet à Mount Kimbie d’expérimenter une toute nouvelle palette de sons et d’influences, et ouvre la voie à leurs futures collaborations.

 

En 2017, après le dernier album de Mount Kimbie, Love What Survives, et la période de tournées très chargée qui l’a suivi, Kai a soif d’inspirations neuves et se lance dans un projet d’« écoute intensive et de réflexion sur l’écoute » qui le fait creuser plus profond dans les racines de la musique dance et savourer l’essence futuriste des classiques du genre. C’est alors qu’il découvre une exposition de sculptures cinétiques du milieu du 20ème siècle. Ces assemblages monumentaux, qui transforment en œuvre des machines et mettent en avant les matériaux bruts, révèlent à Kai une nouvelle perspective sur la techno canonique qu’il écoute. Plus que de simples sons classiques dignes d’admiration, cette musique peut devenir une vraie matière première, à décomposer et à sculpter pour en faire quelque chose de nouveau.

 

City Planning représente l’aboutissement de ce voyage créatif. Sauvage, plein de déformations et de boucles, l’album transforme les marqueurs d’avant-garde en une proposition habile et raffinée. Ses beats racés et ses bégaiements d’arpèges sont pleins de caractère, tandis que les claquements de métal rythmiques, les machineries qui grincent et les textures râpeuses et terreuses évoquent les matériaux industriels des sculptures dont Kai s’est inspiré. Bien qu’il soit entièrement réalisé à l’aide de machines, l’album est riche d’imperfections et d’un artisanat pleinement humains. D’abord assemblé dans son studio, City Planning a été complété et mixé avec Dilip Harris, ingénieur de longue date de Mount Kimbie. Pour obtenir cette touche d’humanité, le duo a étalé les morceaux sur la table de mixage et les a recomposés à la volée.

 

Bien qu’acide à certains moments, City Planning ne perd jamais son ton optimiste. Kai attribue cette caractéristique à son intérêt pour les mouvements artistiques du 20ème siècle qui étaient tournés vers l’avenir, et offraient des visions audacieuses et utopiques de ce que la technologie pourrait nous apporter. City Planning est structuré comme un voyage en train à travers une ville futuriste : démarrant sur des bases simples, il présente des structures toujours plus complexes et fantastiques, avant de glisser vers les faubourgs calmes et bien ordonnés de la fin de l’album. La couverture de l’album est l’œuvre de l’artiste Tom Shannon, dont les structures fantaisistes, souvent chromées, ne font pas référence à des formes existantes, mais créent leur propre monde, dans lequel le spectateur peut s’engager. « On est proche de la manière dont j’ai envisagé le disque, explique Kai. C’est une sorte de construction d’univers. »

 

Pour Dom, les choses ont commencé à l’autre bout du monde. Il a déménagé à Los Angeles il y a cinq ans, en même temps que James Blake, vieil ami et collaborateur du groupe. Le duo se lance dans des sessions de production avec des noms sans cesse plus prestigieux du monde du rap et du hip-hop. Dom se retrouve très vite dans une série de « situations de rêve », travaillant avec Jay-Z (aux côtés de James, sur le titre « MaNyfaCedGod », en 2017), mais aussi avec Travis Scott, ASAP Rocky, SZA et Rosalia, parmi beaucoup d’autres.

 

Cette expérience va conduire Dom à une meilleure compréhension de son processus de création. La découpe à l’emporte-pièce (die cutting) est une méthode de fabrication dans laquelle les objets sont conçus par assemblage de matériaux. C’est ainsi que fonctionne la musique pour Dom. Il commence par une sélection de matériaux : des samples et des sons, des enregistrements d’amis musiciens et les prestations de ses collaborateurs au chant. Et à partir de tout cela, il crée quelque chose de nouveau.

 

Die Cuts révèle jusqu’où cette méthode a mené Dom. L’album rassemble les différentes pièces de son parcours artistique, tout en étant porteur d’un message très personnel et d’un son unique. Dom considère l’album comme une sorte de « collage », et comme un effort collectif qu’il a guidé et supervisé. Il a samplé des amis parmi lesquels Sampha, James Blake et Duval Timothy, et a engagé un groupe de chanteurs issus des cercles de Los Angeles qu’il fréquente, notamment Reggie, Nomi, Keiyaa, Liv.e et Choker. Producteur-collaborateur de talent, Dom célèbre le charisme de ces artistes tout en accompagnant leurs voix de manière innovante.

 

Die Cuts a été fortement influencé par le déménagement de Dom à Los Angeles. Des clins d’œil nostalgiques à son pays d’origine – des mouettes faisant référence à son éducation au bord de la mer, par exemple – se mêlent aux sons de sa vie californienne. Une qualité de narration puissante reflète quant à elle son amour de toujours pour les histoires courtes. Sur « f1 racer », la chanteuse Kučka se rêve en pilote de course sur fond de moteurs vrombissants. Des samples personnels, tels que des notes vocales enregistrées par sa femme, reflètent le processus de création dévorant de l’album. « Ça a vraiment envahi tous les pans de ma vie, jusqu’à mon sommeil », se souvient Dom.

 

Dom décrit combien il a travaillé de façon obsessionnelle sur l’album, dans sa pièce consacrée à l’écriture, située dans le quartier de Koreatown à Los Angeles, avec vue sur le signe Hollywood depuis la fenêtre. Après des années passées à faire exister la vision d’autres artistes dans les studios de Los Angeles, Die Cuts est l’occasion pour Dom « d’essayer de planter un drapeau dans le sol et de dire : « Je peux le faire à ma façon ». C’est la chose la plus difficile que j’aie faite, mais aussi la plus libératrice. » Au-delà du format traditionnel du clip, l’album sera accompagné d’un film de Tyrone Le Bon, collaborateur régulier de Kimbie, qui viendra compléter l’album tout en racontant une histoire profondément personnelle.

 

MK 3.5: Die Cuts | City Planning montre comment Dom et Kai ont grandi au cours de la dernière décennie, et dévoile les deux faces de Mount Kimbie. Physique et imprévisible côté Kai, reflet d’un voyage esthétique audacieux ; coloré et mélodique côté Dom, prospérant sur l’étincelle de la collaboration. Les contrastes font leur complémentarité. Mais à certains égards, ils ne sont pas si différents. Les deux artistes offrent chacun quelque chose d’unique qui les distingue de leurs pairs : seul Mount Kimbie pouvait opérer cette synthèse.

 

Cette expérience a permis au duo de se retrouver avec un enthousiasme et des idées renouvelés. Il y a « plus de conviction derrière » leur travail en tant que duo désormais, explique Dom. Les gestes sont plus audacieux, plus sûrs, plus profonds. » L’expérience les a également menés à apprécier le caractère unique de leur collaboration. « Si nous n’avions jamais fait de musique ensemble, je n’aurais jamais terminé un seul morceau de musique, confie Kai. C’est fou de rencontrer quelqu’un, et tout ce qu’on apprend ensuite n’est possible que grâce à ça. »

 

Dom acquiesce. « Notre évolution comme groupe va de pair avec notre évolution en tant que personnes, dit-il. Je n’arrive pas vraiment à imaginer un monde sans cette ligne qui traverse tout. »