Kae Tempest

Self Titled

Sortie le 04 juillet 2025

Island Records

Le cinquième album studio de Kae Tempest, artiste nommé·e aux Mercury et BRIT Awards, n’était pas censé être celui que vous écoutez aujourd’hui. À l’origine, Kae avait conçu un tout autre projet, mais celui-ci ne résonnait plus avec le moment présent. Le tournant a eu lieu lors d’une séance avec le producteur Fraser T Smith, sollicité pour débloquer un morceau. Lauréat d’un Grammy Award, Smith a collaboré avec Adele, Stormzy ou encore Dave. Lui et Kae se sont rencontré·e·s en 2020 lors de l’enregistrement d’un podcast, avant de se retrouver sur l’EP We Were We Still Are, sorti en 2023.

 

Mais au lieu de résoudre le blocage initial, leur rencontre a déclenché une série de sessions spontanées, menant la pratique de Kae dans une direction inattendue. Un nouvel album était en gestation.

 

Fraser l’a encouragé à écrire à la première personne : « Il m’a dit : qui d’autre peut raconter l’histoire que tu peux raconter ? » Ensemble, iels ont composé jusqu’à trois morceaux par jour pendant une semaine, avant de faire une pause pour prendre du recul. « On est aussi bon·ne·s que ce qu’on choisit de laisser de côté », explique Kae. Iels ont élagué, gardé l’essentiel, et poursuivi en affinant leur vision. C’est ainsi qu’est né Self Titled.

 

À sa source, Self Titled est une lettre d’amour à un moi plus jeune, un dialogue entre le passé, le présent et le futur de Kae , entremêlé de souvenirs, de lieux et de visages qui l’ont façonné·e. Résistance, doute, espoir : les grands thèmes y côtoient les fragilités humaines, les frustrations comme les désirs, la ferveur amoureuse et la libération de l’acceptation. Intimement personnel, l’album touche pourtant à l’universel, comme souvent dans le travail de Kae  : « J’espère qu’en creusant dans ma vérité, je pourrai rencontrer les gens dans la leur. J’espère que les gens y retrouveront une part d’elleux-mêmes. »

 

L’album s’ouvre sur le bouleversant ‘I Stand On The Line’. Aussi épique qu’émouvant, il évoque les grands thèmes des génériques de James Bond, le Verve dans ses heures de gloire ou encore Stormzy dans ses moments les plus introspectifs. Vient ensuite ‘Statue In The Square’, morceau intense qui puise dans les débuts de Kae comme MC dans les soirées à micro ouvert. Son flow en double temps évoque les raves jungle des années 2000, mâtiné d’influences allant d’El-P à Megan Thee Stallion. Kae  le décrit comme un morceau « joyeux. Le but, c’est que je m’amuse ». On y perçoit aussi des échos à Mezzanine de Massive Attack sorti en 2001, de Dr Dre, AM des Arctic Monkeys, voire un soupçon du Kanye West de Late Registration.

 

L’album s’ouvre aussi aux autres, avec une série de collaborations marquantes. ‘Breathe’, capté en freestyle dès la première prise, est coproduit avec Young Fathers, trio écossais récompensé par le Mercury Prize. ‘Bless The Bold Future’ accueille la chanteuse londonienne Tawiah, figure montante de la soul alternative. Deux invité·e·s surprise, devenu·e·s au fil du temps des icônes, viennent aussi enrichir cette fresque sonore.

 

Plus loin, ‘Diagnoses’ frappe fort en abordant la neurodiversité avec finesse : ‘me and you and our trauma flashbacks, relaxing at home with a Horlicks. Backpacks stuffed full of my dysphoria, your dyspraxia | off exploring | panic attacks to get the heart rate up.’ (moi et toi et nos flashbacks traumatiques, se détendre à la maison avec un Horlicks. des sacs à dos remplis de ma dysphorie, de ta dyspraxie | en exploration | des crises de panique pour faire monter le rythme cardiaque). Un extrait de Carl Jung ouvre ‘Hyperdistillation’ : « C’est un rappel pour regarder à nouveau », commente Kae. « Nous sommes toustes plus vivant·e·s que nous ne le pensons. »

 

Né·e en 1985, Kae Tempest a grandi à Lewisham, dans le sud de Londres. Poète, dramaturge, romancier·ère, rappeur·se, Kae  commence à 16 ans par le busking, les open mics, les raves et les festivals de fortune. Après un passage dans le groupe Sound of Rum, iel auto-publie le recueil Everything Speaks In Its Own Way en 2012. La même année, sa première pièce, Wasted, est montée à Londres avant de partir en tournée. Son long poème Brand New Ancients remporte le prix Ted Hughes et s’exporte à New York en 2013.

 

Son premier album solo, Everybody Down (2014), est nommé au Mercury Prize. S’ensuivent Let Them Eat Chaos (2016), The Book Of Traps and Lessons (2019), et The Line Is A Curve (2022), les deux derniers produits par Rick Rubin. Kae publie aussi le roman The Bricks That Built The Houses (2016), salué par le Sunday Times, ainsi que l’essai On Connection (2020), très bien reçu. Iel reste à ce jour la seule personne à avoir ouvert une pièce au National Theatre un été et joué à Glastonbury l’été suivant.

 

À propos de Self Titled, dix ans après son premier album, Kae Tempest confie :

« Cet album a sa propre force vitale. Il sait où il veut aller. Je dois juste le suivre un peu et voir ce qui se passe. »