
Welcome to the Civilized World
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Sortie le 05 septembre 2025
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Full Time Hobby

Il n’y avait aucune raison pour que le quatrième album de GHOSTWOMAN voie le jour. Welcome to the Civilized World est né d’un monde en ruine, d’un héritage perverti. Evan Uschenko et Ille van Dessel ne nourrissent aucune illusion quant à sa futilité — et pourtant, cet album respire. Il est une réaction épidermique à notre époque : une plaie qu’on gratte, une purge d’un mal contemporain devenu insupportable. Né d’une intuition viscérale, d’un vide d’alternatives, il échappe à toute logique. L’enfer s’est peut-être ouvert, mais GHOSTWOMAN refuse d’y sombrer sans bruit.
Le groupe n’existe que parce qu’Uschenko et van Dessel ont été « assez stupides pour s’y lancer ». À l’origine, Uschenko, ancien musicien de tournée, a imaginé GHOSTWOMAN dans une ferme abandonnée de Diamond City, en Alberta. Là, en deux mois, il enregistre un premier album éponyme, seul, sur des cassettes audio artisanales. La musique, brute et inhospitalière, s’adressait à celles et ceux qui osaient la chercher.
Grâce à ses connexions dans la scène d’Edmonton, Uschenko traverse l’Atlantique. C’est là qu’il rencontre Ille van Dessel, batteuse instinctive, passionnée, sans ego ni cynisme. Leur alchimie est immédiate. Une nouvelle vie commence.
Désormais en duo, GHOSTWOMAN devient une collision frontale entre guitares rouillées et percussions abrasives, propulsant le groupe vers un oubli partagé. Welcome to the Civilized World incarne à l’état brut leur vision commune. De la première ébauche à la version finale, personne d’autre n’y a touché.
Le sens de cet album réside justement dans son absence de sens. Comme le dit Uschenko : « L’album s’inspire de l’absurdité du comportement humain, du cirque qu’est la vie. On a parfois l’impression d’être dans une pièce sans sol — c’est de là que viennent beaucoup de ces chansons. » Après avoir perdu des amis par suicide l’année dernière, la façade du quotidien s’est effondrée. Si l’album a un message, c’est simplement celui-ci : continuer, car il n’y a pas d’autre option.
Musicalement, GHOSTWOMAN frappe plus fort que jamais. Psych-grunge hypnotique, Americana en décomposition, instruments cabossés qui s’entrechoquent. Uschenko, au chant, insiste : les paroles comptent peu. Souvent absurdes, elles surgissent comme des ébauches instinctives, façonnées pour donner corps à la musique. Pourtant, même dans sa grammaire onirique, l’émotion reste puissante.
Leur processus de création est purement intuitif. Les sons naissent les uns des autres, comme une réaction en chaîne. ‘5 Gold Pieces’, avec ses guitares râpeuses et ses voix électrisées, a été enregistré en test après l’achat d’un magnétophone. Premier essai, version définitive. Tout leur matériel a depuis disparu. « On achète des instruments ou des machines anciennes, pleines d’âme, on les use jusqu’à la corde, puis on les revend pour passer à autre chose », explique van Dessel.
Fidèle à l’esprit du groupe, Welcome to the Civilized World raconte deux années entre le Canada et la Belgique. Selon le lieu, le magnétophone captait des ambiances différentes : chez un ami proche d’Uschenko, entouré de confort matériel et de son chien adoré, Levon (nommé d’après le grand Levon Helm, récemment décédé), qui a donné son nom au titre présent sur l’album. Ou bien, dans un cottage isolé des Ardennes belges, au cœur d’un hiver sans fin, à une heure de marche de toute trace de civilisation.
‘Alive’, premier single de l’album, a été écrit un jour particulièrement lumineux dans la campagne belge. Le morceau s’appelait d’abord ‘Pondi’, en hommage à un hérisson trouvé dans un étang, qu’ils ont pris pour un bon présage. L’écriture s’est faite sans effort, dans un élan instinctif — « une ligne vérifiée transformée en chanson », comme le dit van Dessel. À ses yeux, ‘Alive’ ressemble à une photo prise sur le vif : un moment fugace, unique, impossible à reproduire. Et c’est sans doute cela, un album de GHOSTWOMAN.
Welcome to the Civilized World ne cherche ni à plaire, ni à répondre aux attentes de l’industrie musicale, ni à servir une quelconque finalité. Il existe pour le plaisir brut de créer. Rien n’a vraiment d’importance : nous sommes tous condamnés, le soleil finira par avaler la Terre, et nos efforts retourneront à la poussière. D’ici là, GHOSTWOMAN continuera de jouer. Tandis que le navire coule.