Ghost Woman

Anne, If

Sortie le 20 janvier 2023

Full Time Hobby

La sensation de familiarité à l’écoute de Ghost Woman est compréhensible. Certes le songwrtiter et multi-instrumentiste Evan Uschenko est profondément ancré dans une écriture pop rock classique centrée sur la guitare (on y reviendra plus loin), mais surtout cette musique a été conçue pour susciter de multiples évocations. Ghost Woman se distingue d’un grand nombre de groupes actuels par son universalité. L’artiste ne cherche pas à transmettre un message spécifique à l’auditeur ; il espère au contraire que celui-ci aura plaisir aux nuances de sa musique, et aux sentiments qu’elle suscite en lui.

 

Au cours des deux dernières années, Ghost Woman a permis à Evan Uschenko d’exprimer son intérêt pour l’écriture de chansons et l’enregistrement, après un certain temps à jouer dans divers ensembles indépendants canadiens, tout particulièrement dans le groupe de Michael Rault, qui partage ses affinités pour une pop parfaitement ciselée, bâtie autour de la guitare. Après un premier album éponyme sorti en 2022 chez Full Time Hobby et salué par la critique, Ghost Woman nous offre plus encore avec Anne, If.

 

Le son d’Anne, If s’inscrit dans la lignée des travaux précédents : la musique a été créée et enregistrée (quasi) entièrement par Uschenko lui-même sur son fidèle magnétophone Tascam 388, durant ce qu’il décrit comme un « étrange nouveau chapitre » de son existence, passé dans une immense maison à ne faire qu’enregistrer de la musique, regarder de vieilles VHS et cuisiner les repas sur un feu dans le jardin. « La possibilité de créer des sons et d’enregistrer à tout moment de la journée a eu une grande influence sur ma façon de travailler et sur ce que j’ai produit », explique-t-il.

 

Le résultat est exemplaire : sur un plan stylistique, Uschenko parvient à couvrir plus de terrain que jamais tout en maintenant une ligne directrice forte du début à la fin. Bien qu’il y ait des chansons qui semblent faire directement référence à certains groupes et à certaines périodes du rock, il ne s’agit jamais de simple imitation. Empreint d’un détachement à la Pavement et d’une nostalgie qui rappelle plus d’une fois les séduisantes harmonies de Crosby, Stills et Nash, le sens de la mélodie qui caractérise Uschenko assure la cohésion de l’album. Les rythmes de batterie très fin des années 60 sur la chanson titre pourraient être empruntés aux titres de la compilation Nuggets. « Street Meet » trahit un intérêt pour la sensation d’illimité que transmettent des groupes comme Can et Neu ! Et les sons de guitare à 12 cordes qui imprègnent l’album (qu’on pense à « The End of A Gun ») auraient parfaitement leur place dans les classiques des Byrds, de Love et de Jefferson Airplane.

 

Egalement partie intégrante de l’ensemble, la production chaude et directe rappelle le Captain Beefheart de l’époque de Safe As Milk, les deux premiers albums de Beak ou les productions de Shel Talmy pour The Creation ou The Kinks dans les années 60. Le son analogique sur bandes magnétiques saturé à la perfection offre un agréable contrepoint à la mode actuelle du tout numérique, des ajouts d’effets et à l’attitude qui consiste à repousser les problèmes en post-prod.

 

Uschenko rejette l’idée que Ghost Woman est – du moins complètement – un « projet solo », car le spectacle live est très centré sur le groupe, composé aujourd’hui de sa partenaire Ille van Dessel (Poolface) à la batterie, et de Nick Hay, son acolyte de longue date, aux cordes. Hay chante également sur Anne, If. Dans la chanson « Tripped », sa performance rappelle la voix éreintée de Mark Lanegan. Le disque est encore renforcé par la steel guitar de Ryan « Skinny » Dyck sur « Lo Extrano ». Les chansons d’Anne, If qui ont trouvé le chemin de la scène au cours des nombreux concerts de cette année au Canada et en Europe (dont plusieurs récemment avec le chouchou de la folk-pop indé Chad Van Gaalen) ont déjà commencé à prendre de nouvelles formes. Le groupe – quelle que soit sa formation – est à ne pas manquer.