Francis Lung

Miracle

Sortie le 4 juin 2021

Memphis Industries/Bertus

Le songwriter et chanteur de Manchester Francis Lung sort son deuxième album Miracle le 18 juin chez Memphis Industries. Enregistré dans le cadre idyllique des Giant Wafer Studios au cœur de la campagne galloise début 2020 et achevé dans son propre studio, Miracle correspond pour Francis à une période d’introspection. Se présentant comme une réflexion sur les problèmes de santé mentale, la (sur)consommation de substances et les relations amoureuses, le disque retrouve Francis plongé dans une lutte contre ses démons, processus cathartique qui a largement contribué à sa décision d’abandonner l’alcool.

« [Miracle] relate la lutte entre ma part autodestructrice et ma part constructrice, celle qui résout les problèmes, dit Francis. J’ai l’impression qu’à travers la plupart de ces chansons je me confronte à ces problèmes, en admettant les aspects négatifs de mon comportement sans faire l’autruche, afin de me proposer à moi-même une autre façon de voir les choses. »

Malgré son sujet sérieux, Miracle est loin d’être austère sur le plan sonore : l’album marie la dimension cinématographique et onirique des travaux antérieurs de Francis Lung, que cela soit en solo ou en tant que membre du groupe Wu Lyf, avec le charme et l’épure caractéristiques de grands chanteurs songwriters comme Judee Sill, Jeff Tweedy et Elliott Smith, – dont Francis est un fan reconnu (il a co-organisé un concert hommage en ligne à Elliot Smith en juin 2020, avec des reprises de Smith par Marika Hackman, Blaenavon, Marissa Nadler et d’autres artistes, en vue de récolter des fonds pour des organismes caritatifs défendant la cause LGBTQ+). Des intermèdes musicaux s’insèrent également dans l’album, fonctionnant comme autant de passerelles d’émotion, ou purement esthétiques, entre les chansons, de façon à retenir l’auditeur dans l’univers de Francis pendant la durée de l’album. Inspirés de l’hantologie, ces intermèdes mélancoliques et évocateurs, presque étranges, viennent renforcer la tonalité méditative du disque.

L’album s’ouvre sur « Bad Hair Day », une ode implacablement entraînante – et faussement optimiste – à la gueule de bois et aux connexions manquées. « I’ve been calling on you all night / But I never get through, I just get in the way » (« J’ai réclamé après toi toute la nuit / Mais je n’arrive jamais à te parler, je ne fais que gêner »), se lamente Francis. « I am a cloud in the sun’s light / Whatever I do, whatever I say. » (« Je suis un nuage dans la lumière du soleil / Quoi que je fasse, quoi que je dise. ») Ailleurs, la chanson titre le voit s’interroger sur l’inconstance propre à l’industrie de la musique : « Je vois Miracle comme une reconnaissance et même un encouragement à éprouver ce à quoi nous ne sommes pas censés succomber – l’abandon, le renoncement – simplement parce que cela peut être réconfortant d’entendre ce genre de chose de la part de quelqu’un d’autre : “Why am I climbing these social ladders and jumping through the hoops of this creative industry ? Does this make me happy ?” (“Pourquoi suis-je en train de gravir ces échelles sociales et de sauter à travers les cerceaux de cette industrie créative ? Est-ce que cela me rend heureux ?”) »

Ces thèmes, – désir, absence, manque de l’autre, manque à l’autre – réapparaissent tout au long de Miracle. « When I die / Will I be missed / Or am I missing the point ? » (« Quand je mourrai / Manquerai-je à quelqu’un / Ou bien n’est-ce pas important ? ») se demande Francis dans « Say So ». « Lonesome No More », qui s’inspire du livre de Kurt Vonnegut du même nom [Slapstick, or Lonesome No More !, en français Le Cri de l’engoulevent dans Manhattan désert] pose la question : si la solitude était éradiquée, est-ce que cela nous manquerait ? En faisant se confronter ces sentiments, Francis est capable d’aller de l’avant, comme le prouve la triomphale chanson de fin, « The Let Down ». Ses paroles sont un appel à l’action, pour Francis lui-même (et pour l’auditeur) : « Get up / Get something going / Do something, do it / Do it now » (« Lève-toi / Lance-toi / Fais quelque chose, fais-le / Fais-le maintenant »).

Miracle a été produit par Francis en collaboration avec Brendan Williams (Dutch Uncles, Matthew Halsall, Kiran Leonard) et Robin Koob (aux cordes et co-arrangeur sur l’album). Ce contrôle artistique lui a plu : « Je suis plutôt mauvais pour déléguer », admet-il, notant qu’il a joué de tous les instruments – sauf les cordes – sur Miracle. A l’arrivée le disque est cohérent, profondément personnel, aussi essentiel que fragile. « Je ne veux pas être réduit à mes angoisses, ma dépression ou des antécédents de toxicomanie, confie Francis, mais je tiens à tendre la main à d’autres personnes qui ont vécu des expériences similaires, surtout si c’est d’une manière qui les aide à se sentir un peu mieux. Pour moi, cette musique célèbre la guérison autant qu’elle se concentre sur les côtés les plus sombres de la psyché humaine.