Finn Andrews

One Piece At A Time

Sortie le 22 mars 2019

Nettwerk

Depuis un premier contrat avec une maison de disques signé à seulement 16 ans, Finn Andrews et son groupe The Veils ont sorti cinq albums, ils ont tourné dans le reboot de la série Twin Peaks de David Lynch, et plusieurs de leurs chansons ont fait partie des bandes originales de séries ou de films, de Tim Burton et Paolo Sorrentino notamment.

 

C’est en écrivant l’album de 2016 Total Depravity que le musicien néo-zélandais s’est rendu compte qu’une nouvelle période de sa vie était en train de se mettre en place. Après une rupture, Andrews s’est éloigné de Londres et des Veils pour retrouver la Nouvelle-Zélande et commencer à travailler sur son premier album solo, One Piece at a Time.

 

On utilise souvent l’expression « carnet de chansons » pour évoquer l’œuvre d’un compositeur. C’est littéralement ce que possède Andrews : un recueil de pages remplies de paroles, d’esquisses et d’idées qu’il a toujours sur lui.

 

« J’écrivais déjà quand je faisais ces albums avec les Veils, et je savais qu’ils ne correspondaient pas vraiment à ce monde-là. Au bout de trois ans environ, j’avais un carnet de chansons, un peu par accident. C’était satisfaisant d’avoir autant de chansons mais, pour être honnête, elles ont fini par me hanter. Les chansons étaient là à me regarder, sur mon bureau, en colère contre moi, manifestement déçues que je n’aie aucun projet pour elles. Le carnet se remplissait, je devais en faire quelque chose. Il fallait que je quitte Londres. Je ne supportais plus d’y vivre, mon couple était brisé, j’avais besoin de partir. Alors j’ai pris mon carnet et je suis retourné en Nouvelle-Zélande. J’avais le sentiment que j’y trouverais les bonnes personnes pour faire l’album, et c’était un endroit qui me permettait d’être le plus éloigné possible, ce qui me paraissait nécessaire aussi. »

 

A Auckland, Andrews forme un petit groupe de musiciens enthousiastes prêts à se lancer avec lui et ne tarde pas à se mettre à déchiffrer les pages. Au début la quantité de matière première est intimidante, et l’une des premières missions du groupe est de passer quelques semaines enfermé dans une pièce à jouer chaque chanson en entier pour s’en faire une idée. « Il y avait énormément de débris à fouiller – chaque idée que j’avais eue au cours des cinq dernières années –, et à l’origine rien dans tout ça n’était vraiment instructif. Ç’a été le processus le plus laborieux, de fouiller toute ma vie dans ce carnet et d’espérer que d’une façon ou d’une autre tout finirait par s’harmoniser. Dans la mesure où j’écris tous les jours, il y a forcément des choses inutilisables, mais ça me dérange moins aujourd’hui. On doit faire le tri parmi beaucoup de trucs qu’on veut vraiment garder pour soi avant de pouvoir avancer efficacement. »

 

Les chansons dans cet album sont plus personnelles et introspectives que le travail précédent d’Andrews, une approche qui n’était pas forcément délibérée mais plutôt le fruit des circonstances. « C’est bien plus autobiographique que prévu. Le dernier album des Veils était écrit de plusieurs points de vue ; j’ai toujours aimé me mettre à la place de quelqu’un d’autre – un routier, un axolotl –, mais cet album a beaucoup plus de… de moi, en fait. Mon travail a toujours été personnel, il s’agit donc d’obtenir la même chose mais d’une manière différente, je suppose. Sincèrement je ne sais pas exactement pourquoi cette fois c’est différent, ni pourquoi ces chansons ont un feeling différent, mais c’est comme ça en tout cas. »

 

Les thématiques des chansons exposent davantage sa vie, et côté arrangements Andrews admet également qu’ils sont plus épurés, à l’image de ce qu’il souhaite montrer de lui. Les dix titres dominés par la voix d’Andrews le placent sur le devant de la scène. « Je me suis senti bien plus exposé, l’orchestration était bien plus discrète. Les chansons étaient construites autour de ma voix, ainsi ai-je eu véritablement conscience de les diriger. On se sent davantage exposé en tant que chanteur de cette façon. Chanter m’a toujours enchanté autant que terrifié. C’est la première fois que je me suis senti à l’aise avec si peu d’ornements autour de moi. »

 

Tout au long de l’album Finn Andrews est accompagné par le piano ; un instrument qui a toujours fait partie de lui, même s’il n’était pas son premier choix. Joueur de guitare depuis ses dix ans, Andrews n’a commencé à étudier le piano qu’à la fin de son adolescence, lorsque son père, le légendaire clavier de XTC Barry Andrews, lui a appris quelques accords. « Je ne suis pas très expérimenté sur la guitare ou le piano, je m’en sers surtout pour m’accompagner quand je chante. Le piano représente une longue histoire familiale pour moi, et je me suis beaucoup retrouvé seul avec cet instrument ces deux dernières années. Chaque chanson de l’album a été écrite sur un piano, c’était la première fois pour moi. J’ai ressenti la présence de quelques-uns de mes ancêtres qui m’observaient avec perplexité sur cet album. “Mais bon sang, qu’est-ce qu’il trafique”? »

 

Cet album est une des œuvres les plus profondes et intimes jamais produites par Andrews. Il a été enregistré entièrement en live au studio The Lab à Auckland, et mixé et coproduit par Tom Healy (Tiny Ruins). Le groupe est composé de Finn Andrews au chant, au piano et à la guitare, Cass Basil à la basse et à la contrebasse, Alex Freer à la batterie, Tom Healy à la guitare, Reb Fountain et Nina Siegler aux chœurs, et Victoria Kelly aux commandes des arrangements tentaculaires de cordes.

 

Le ton de l’album est donné par le titre d’ouverture « Love, What Can I Do? », qui commence par un accord théâtral – enseigné par le père d’Andrews à son fils, rien que ça. Le titre a été enregistré entièrement en live, Andrews ne portait pas de casque car il souhaitait que la chanson soit jouée de la manière la plus proche d’une performance en concert.

 

« One By The Venom » fait partie d’un sous-genre de composition que Finn Andrews adore – la chanson liste – et ses scénarios tragiques qui permettent à chaque membre du groupe de se répondre. Les titres « A Shot Through The Heart (Then Down in Flames) » et « The Spirit in the Flame » montrent d’autres facettes de la composition d’Andrews, laissant sa voix éclairer le chemin. L’album se termine avec la chanson pleine d’espoir « Don’t Close Your Eyes ». A l’écoute de cet album il est évident que One Piece at a Time est une étape nécessaire à la fois pour les fans et l’artiste lui-même.

 

« Cet album semblait mijoter depuis longtemps, et j’ai éprouvé une sensation de soulagement en le terminant, ce qui ne m’arrive pas fréquemment. Souvent la joie est immédiatement remplacée par l’angoisse quand je finis quelque chose. Cette fois-ci c’était agréable. C’était quelque chose de fort d’être revenu en Nouvelle-Zélande – j’avais commencé à y faire de la musique et j’étais parti dès que possible pour Londres. J’étais content d’avoir enfin pu faire un album là-bas, et tout le monde était vraiment reconnaissant et disponible. En vieillissant, construire des relations avec les gens avec qui on fait un album mais aussi avec les gens qu’on rencontre en jouant en concert est devenu une partie intégrante de tout ça pour moi. Je ne me rendais pas compte du cadeau que ça pouvait être, de rencontrer à chaque fois tous ces gens différents et merveilleux. »

 

Mettre son âme à nu peut être une expérience transcendante, mais pour cela il faut du courage et un cœur immense. Finn Andrews, à la fois par chance et malchance, a un public présent pour assister à sa reconstruction volontaire, un processus qui demande beaucoup de patience des deux côtés et beaucoup de confiance – one piece at a time.

 

« Cet album marque indéniablement un changement en moi. J’ai l’impression qu’il m’a emmené ailleurs. C’est le côté bizarre quand on fait des albums : on pense qu’on les fait mais en fait ce sont eux qui nous font, qui nous façonnent. Grâce à eux je suis ailleurs aujourd’hui, et je ne sais pas du tout où ils me laisseront à la fin. Je ressentais le besoin de dire quelque chose, et pour une fois je pense que j’ai réussi à le dire. C’est une petite fierté. »