Après trois albums salués par la critique, une série de 45 tours très recherchés et des collaborations avec des chanteuses telles que Yurika et Sophia Solompon — soutenus par des figures influentes comme Gilles Peterson, Cerys Matthews ou Jeremy Sole — Sababa 5 se révèle sous un jour à la fois énigmatique et irrésistible avec Nadir.

Ce nouvel album explore une fusion plus sombre, sophistiquée et cinématographique entre soul psychédélique et rock moyen-oriental. Le terme ‘nadir’, emprunté à l’astronomie, désigne le point de la sphère céleste situé à l’opposé du zénith, directement sous l’observateur. Par extension, il évoque aussi un point bas, une période de crise ou de doute. Cette double signification résonne avec la démarche du groupe, qui mêle dans sa musique les contraires : le céleste et le terrestre, l’abstraction et la matière.

Ce titre résume l’essence même de l’album : une traversée de paysages sonores profonds et introspectifs, à la fois ancrés dans des grooves bruts et ouverts sur l’infini.

Nadir s’ouvre sur ‘VU’, près de quatre minutes d’un funk mystérieux, hypnotique et nerveux. Guitares tourbillonnantes, orgue électrique aux accents orientaux et drones raga dessinent l’atmosphère d’un bar enfumé du Caire. Le morceau rend hommage à leurs cousins musicaux vuvuvu, dont l’énergie brute et joyeusement chaotique imprègne cette ouverture.

Le morceau-titre plonge ensuite l’auditeur dans la moiteur d’une nuit méditerranéenne. Une ligne de basse sombre installe la tension, bientôt rejointe par une mélodie synthétique aux allures de bande originale italienne, enrichie de motifs moyen-orientaux. On pense à Piero Umiliani, Stelvio Cipriani, et à l’esthétique cinématographique des Poliziotteschi, soulignée ici par une guitare wah-wah aux accents psychédéliques.

Mais l’album ne s’enferme pas dans la pénombre. Le morceau ‘Tell’, plus lumineux, évoque l’ambiance d’« Aspan ». Inspiré des ballades turques mais porté par les synthétiseurs, il mêle mélodie et mélancolie sur un groove irrésistible, apportant un souffle plus clair à l’ensemble.

Un album essentiel pour les amateurs de The Heliocentrics, Khruangbin, The Dap Kings ou Moğollar.

Nadir est sans doute l’album le plus captivant et accessible de Sababa 5 à ce jour. Un voyage transcontinental porté par des grooves envoûtants, des arrangements cinématographiques et des gammes orientales qui dessinent des paysages mentaux, donnent envie de danser et touchent en profondeur.