3D Routine est là. Après l’EP Induction Party, Mush diffusent leur propre mythologie sonique, brouillent les pistes entre surréalisme abstrait, existentialisme et analyse sociale. A l’instar de son prédécesseur, 3D Routine est une surcharge sensorielle de guitares fracassantes et accrocheuses. L’espace-temps émerge d’entre les assauts, cette trêve laissant place à une nouvelle profondeur émotionnelle. 3D Routine parvient à garder la dimension brute d’un premier album, mais son côté expérimentation et sa diversité représentent un groupe qui va bien plus loin que son image de « groupe à guitares ».

Le compositeur Dan Hyndman présente les origines du groupe comme quelque chose d’assez banal, des amis, anciens et récents, qui se retrouvent à Leeds après leurs études pour former un groupe uni dans une affection mutuelle pour le travail de Pavement. Le groupe d’origine a évolué et se compose aujourd’hui de Dan (chant, guitare), de Nick Grant (basse), de Steve Tyson (guitare) et de Phil Porter (batterie).

Grâce à leurs concerts à Leeds, instables et souvent désastreux, ils se font rapidement connaître dans le coin. C’est avec leur improbable tube radio « Alternative Fact » (qui dure 10 minutes) que Mush attirent l’attention d’un public plus large. La chanson, qui fait partie des dernières sorties du label légendaire Too Pure Singles Club, bénéficie d’un soutien immédiat de Marc Riley et d’autres membres de BBC 6music, qui diffusent plusieurs sessions. Puis le deuxième single « Gig Economy » intègre la playlist de 6music. Mush passent la moitié de l’année 2019 en tournée dans le Royaume-Uni, se bâtissant une réputation de performances live particulièrement intenses, et assurant les premières parties de Girl Band, The Lovely Eggs, Yak, Shame et Stereolab. La sortie de l’EP Induction Party est un véritable succès. A la toute fin de l’été 2019 Mush intègrent le Green Mount Studio à Leeds, se postent à leur table de mixage avec Andy Savours (Dream Wife, Our Girl, My Bloody Valentine), et ainsi naît leur premier LP, 3D Routine.

Alors que l’EP faisait figure d’introduction à la secte, 3D Routine est un véritable manifeste de l’ère de la désinformation. Le surréalisme et le réalisme s’entrechoquent dans le flux de données, incarnant l’absurdité du monde moderne. La versatilité ne se limite pas aux paroles chez Mush. Les paroles incisives mais matérialistes de morceaux comme « Revising My Fee » s’intéressent à l’équilibre travail/vie, aux ratios revenus/loyers, ainsi qu’au contexte financier particulièrement inquiétant pour les jeunes générations, le tout face à une décennie d’austérité : “meal-deal critique, aspirational creed”. Ce morceau, essentiel et instructif, donne le la pour tout l’album.

Le premier single, « Eat the Etiquette », décrit par Hyndman comme « une sorte de diatribe inscrite dans un courant de conscience », s’attaque à l’utilisation du « sens commun » comme arme sociétale ; les idées progressistes sont moquées par le « répugnant courant de pensée malintentionné », les structures iniques et sous-jacentes de la richesse et du pouvoir sont maintenues grâce à un « sens fabriqué ».

« Island Mentality » fouille parmi les divisions actuelles dans le pays, explore les conséquences très négatives sur la psychologie de la nation de l’exception anglaise. C’est une explosion de trois minutes autour des vestiges d’un empire, du culte de l’optimisme face aux rapports des experts, et bien sûr… du Brexit.

Malgré la gravité du sujet, Mush gardent leur sens de l’humour taquin et sarcastique avec leur titre « Coronation Chicken », qui se penche sur la course à la présidence du parti conservateur britannique et sur l’élitisme des anciens de la prestigieuse école d’Eton, et qui rejoint les thèmes récurrents de 3D Routine, la désinformation et le conformisme du « bon sens politique ».

L’album, qui se balade entre titres punk impeccables de trois minutes, spoken word avant-gardiste, funk sardonique et politique, garde malgré tout le son originel du groupe, un groupe à l’éthique volontairement brute qui compose sa nature discordante. Les chansons forment une mixture de sons et d’opinions séduisante, corrosive, sensible et frénétique, un instantané de notre époque, avec une conscience politique et une pertinence, et incroyablement personnel. De la musique pour ceux qui aiment les guitares puissantes et bizarres, et un message politique un peu plus subtil.