Mick Strauss

Southern Waves

Sortie le 18 juin 2021

Air Rytmo / Modulor

Ça pourrait être un film. Ou un livre. Mais c’est un disque. Du genre qu’on aperçoit posé près de la platine dans une scène de film, le disque que l’héroïne écoute avant que sa vie ne bascule. Le chanteur est inconnu, Mick Strauss. La pochette intrigue et attire. L’estuaire d’un fleuve sur une planète lointaine ? Une route dans un rêve lysergique ? Une main qui demande qu’on l’attrape ? Le mystère grandit : qui est Mick Strauss ? Au début de l’album, il chante comme une rock-star du début des années 70, un contemporain de Lou Reed et Neil Young avec aussi des inflexions de Bowie. Puis la basse se durcit, les guitares crissent, Mick stresse, il entre dans les années 80 par la zone industrielle, l’ère du post-punk, des rythmiques martiales et des synthés mélancoliques. Et à travers le bitume déchiré réapparaissent les racines du blues. Mick Strauss et sa guitare bivouaquaient au pied du Musée de l’histoire de rock, quand l’appel du Sud se fait entendre. Il reprend la route, en zigzags. Ça se passe comme ça, mais pas forcément dans cet ordre.

Son album Southern Wave s’écoute comme un carnet de bord dont les pages se sont envolées et mélangées. Ses alliages musicaux bipolaires – entre le pôle sud et le pôle no-wave-, entre songwriting et field recordings (le disque est jalonné par des enregistrements de terrain réalisés au coeur des Etats-Unis du Lac Supérieur jusqu’a la côte de Louisiane en 2019) hypnotisent tendrement. C’est un disque de crossroad. Comme dans la légende de Robert Johnson qui, jadis, sur un carrefour dans les plaines du Mississippi, aurait vendu son âme au diable en échange du don de guitariste. Mais au crossroad de Mick Strauss, ce n’est pas le diable qui s’est présenté, c’est un extra-terrestre psychédélique tout droit sorti d’un roman de Philippe K. Dick, la sensation d’une autre réalité. Les chansons de Mick Strauss semblent venues d’ailleurs, arrivées sur Terre par le Sud des Etats-Unis, sorties du swamp à la lueur de la pleine lune. La nuit est chaude et les sueurs froides. Ainsi commence l’errance curieuse de chansons où se rencontrent des styles musicaux, des personnages, des histoires, des émotions. On les écoute comme elles sont jouées : tous les sens en éveil.

Tout ça ne résout pas le mystère : mais qui est Mick Strauss ? Quelqu’un affirme l’avoir croisé lors de voyages en Amérique ou ailleurs, souvent et depuis longtemps. C’est Arthur B. Gillette, le guitariste de Moriarty. Il le décrit comme un dandy aux semelles de vent, inadapté social charismatique, malin et drôle, faux-monnayeur et myope. Ses chansons sont le récit de ses aventures ou des lettres envoyées à ses amis. Arthur Gillette n’en dira pas plus. Peut-être qu’il l’a pris pour un autre, ou qu’il a seulement rêvé de Mick Strauss. Si c’est le cas, que personne ne le réveille : ça valait le coup d’inventer Mick Strauss.

Pour Southern Wave Arthur B. Gillette s’est entouré de Jennifer Hutt (Will Oldham, Celebration) aux violons/claviers, Vincent Talpaert (Moriarty, Don Cavalli) à la basse, Rowen Berrou (Electric Bazar, Tis Das) à la batterie et Vincent Taurelle (Air, Beck, Tony Allen) à la réalisation.