Just Mustard

WE WERE JUST HERE

Sortie le 24 octobre 2025

Partisan Records

Un « Pollyanna » désigne une personne excessivement joyeuse ou optimiste. Que ce terme ait été choisi comme titre et source d’inspiration du premier morceau, et premier single, du troisième album de Just Mustard, WE WERE JUST HERE, marque un tournant décisif pour le quintette originaire de Dundalk.

 

Au fil de leurs deux premiers albums, Wednesday (2018) et Heart Under (2022, chez Partisan Records), le groupe irlandais s’est imposé comme maître dans l’art du noise rock atmosphérique, porté par la voix hypnotique de Katie Ball, qui flotte au milieu des textures sonores comme une volute de fumée.

 

Avec Heart Under, plongé dans un maelström de bruit industriel et de nappes oniriques, le groupe explorait les thèmes du deuil et du désir, à travers des images de suffocation et d’immersion profonde. Sur le saisissant WE WERE JUST HERE, Just Mustard refait surface : la lumière, l’euphorie, et une forme de transcendance remplacent la noirceur des abysses.

 

À travers dix titres, les éléments clés de leur identité demeurent : guitares distordues à l’extrême, textures sonores sinueuses empruntant à l’univers d’Aphex Twin, basses caverneuses… Les guitaristes David Noonan et Mete Kalyoncuoğlu continuent de tordre leurs instruments jusqu’à les rendre méconnaissables, tandis que le bassiste Robert Hodgers Clarke et le batteur Shane Maguire ancrent l’ensemble dans une rythmique à la fois sourde et cliquetante. Mais cette fois, cette matière sonore est canalisée vers quelque chose de plus chaleureux, presque hymnique, ouvrant une nouvelle dimension au groupe.

 

« J’essayais d’écrire de façon plus optimiste, et parfois je me sentais comme une imposteur », confie Katie Ball. « J’ai cherché des mots pour décrire le bonheur toxique, et c’est ainsi que je suis tombée sur “Pollyanna”. J’essayais d’atteindre la joie, même si ce n’était pas toujours utile. Le mot “euphorie” revenait sans cesse : tenter de ressentir quelque chose de fort, mais à un prix. »

 

« I don’t wanna go where I can’t feel a thing » (Je ne veux pas aller là où je ne ressens rien), chante-t-elle sur le magnétique et mélodique ‘DREAMER’. Le morceau-titre, fusion parfaite entre les guitares hallucinées du groupe et leur nouvel élan vers la lumière, explose dans un chaos technicolor juste après la déclaration limpide de Ball : « Je veux juste que ça fasse du bien. »

 

« J’essayais de me placer dans des situations de plaisir physique pour tenter d’atteindre cette euphorie », poursuit-elle. L’album tout entier explore ainsi une palette d’émotions et de sensations, portée par des personnages en quête d’extase, s’accrochant à l’amour et cherchant l’ivresse d’exister. La voix de Ball incarne ces élans avec intensité, tandis que les arrangements riches viennent amplifier cette tension intérieure – qu’on l’entende dans l’entraînant ‘SILVER’ ou dans l’explosif ‘ENDLESS DEATHLESS’.

 

Produit par David Noonan et le groupe, l’écriture vise ici la clarté et l’impact immédiat. Si leurs précédentes compositions naissaient de boucles instrumentales inspirées de l’électronique, autour desquelles la voix se greffait ensuite, Just Mustard a cette fois consciemment inversé le processus. Ils ont embrassé une approche plus directe, plus « chanson », s’inspirant des structures dynamiques de Nirvana ou de My Bloody Valentine, à la recherche de morceaux à la fois puissants, audacieux et enveloppants.

 

« La structure vocale était la chose la plus importante », précise Noonan. Sur ‘WE WERE JUST HERE’, les refrains débordent de mélodie et de lumière. La voix de Ball, plus en avant que jamais, exprime non seulement une intention sonore mais aussi une volonté de marteler des émotions positives, même lorsque celles-ci se heurtent à une certaine ambiguïté.

 

Si l’album explore une palette émotionnelle plus large, tout reste filtré à travers le prisme si particulier du groupe : une esthétique presque lynchienne, où la recherche du bonheur aboutit souvent à quelque chose de plus étrange, plus complexe, plus envoûtant.

 

Ce monde sonore si singulier se construit aussi grâce à des interludes en forme de collages : voix déformées, textures bruitistes… « Nous voulions injecter dans l’album différentes couches de mémoire et de temps, y faire entrer notre propre vécu de création. » Des extraits de mémos vocaux enregistrés pendant l’écriture, des prises issues des premières démos ou des enregistrements analogiques sur bande 1/2 pouce se mêlent ainsi au mix final.

 

L’idée du lieu a également guidé l’album : les clubs, les dancefloors, les espaces où naît une urgence collective ont inspiré leur recherche d’intensité immédiate. « En écrivant, on visualisait certaines salles, on imaginait ces chansons jouées là-bas», expliquent-ils. La tournée sud-américaine en première partie de The Cure, en 2023, a renforcé cette ambition d’un son plus vaste, plus ample.

 

WE WERE JUST HERE a été enregistré au studio Black Mountain, tout près de Dundalk. Comme pour Heart Under, le mix a été confié à David Wrench (Frank Ocean, FKA twigs). « C’est incroyable ce qu’il a apporté aux chansons, juste en les travaillant, il leur a donné plus de mélodie », s’émerveille Noonan. Wrench a notamment su sublimer la voix de Ball, lui conférant encore plus de profondeur et de puissance.

 

Plus intéressé par l’évocation que par la narration, Just Mustard a trouvé avec le titre de WE WERE JUST HERE une formule parfaite. « En mettant l’accent sur un mot différent, la signification change à chaque fois. » Selon l’angle, les paroles de Ball peuvent ainsi être lues comme une quête toxique et conflictuelle de positivité, ou comme une libération euphorique et bienheureuse.

 

Quelle que soit la manière dont on l’interprète, cet album révélateur propulse Just Mustard vers des sommets inédits. Là où Heart Under nous entraînait dans un tunnel obscur, WE WERE JUST HERE explose dans une lumière aveuglante.