Jesse Mac Cormack

SOLO

Sortie le 08 avril 2022

Secret City Records

Jesse Mac Cormack commence enfin à saisir le sens réel de sa musique. Son deuxième album studio est aussi perçant qu’un regard, aussi tendre qu’un au revoir. C’est une collection de chansons électroniques qui se gonflent et se cassent comme les vagues sur une rive. L’enregistrement a été tour à tour enrichissant, paisible, solitaire, anxiogène. Le temps, la distance et une thérapie ont permis à l’auteur-compositeur montréalais de finalement comprendre tout ce qu’il souhaitait exprimer.

 

« Peu importe ce que tu vis, tu seras toujours seul avec ce que tu vis », me raconte Mac Cormack. Nous sommes sur la terrasse sur son toit par une journée ensoleillée, près des boîtes de jardinage qu’il entretient soigneusement. Les écureuils s’attaquent toujours aux tomates, me dit-il en riant, d’un ton résigné. On peut contrôler certaines choses; d’autres non.

 

Cette leçon a été difficile à assimiler. Au plus fort de la pandémie, alors qu’une relation se terminait, Mac Cormack se souvient avoir envoyé un message à son thérapeute : « Je ne te rencontre pas chaque semaine seulement pour passer le temps. Je veux que ça saigne », a affirmé le musicien, qui voulait que leur travail ait des répercussions concrètes. Lors de la séance suivante, son thérapeute a expliqué : « Ce message que vous m’avez envoyé? Vous l’envoyiez vraiment à vous-même. Vous preniez une décision. »

 

Cette décision — d’aller de l’avant, de changer, de se voir pour qui il est réellement — reflète son parcours des deux dernières années et aussi celui de SOLO, qui brille, tremble et bat au rythme du cœur d’un artiste en magnifique évolution. Bien que marqué par la peur et les déceptions des dernières années ainsi que les cicatrices de l’enfance, SOLO est bien plus empreint de douceur que Now (2019), premier album de Jesse encensé par la critique. Ayant compris que tout ce qu’il est aujourd’hui provient de ce qu’il a vécu, il n’agit plus en réaction, il est apaisé.

 

Retour en arrière jusqu’au printemps 2020 — confiné dans un chalet, Mac Cormack est assis par terre avec un ordinateur, un clavier, une guitare. Il fait de la musique en silence, tentant de ne déranger personne. « A&E » est une chanson à propos de l’échec amoureux, de l’inatteignable paradis. (Ses paroles se font entendre deux fois sur SOLO, resurgissant lors de la dernière pièce, « Pattern ».) Une autre chanson,

« LBTA », s’accroche au souvenir de l’amour, remontant à une époque où la passion semblait plus simple, assez proche pour qu’on y touche. « I wish you were my runaway » chante Mac Cormack. Il exprime dans cette chanson, le désir profond de croire que cette personne puisse être la bonne, la seule. Cependant aujourd’hui, à 32 ans, son regard est différent : ne s’est-il pas plutôt perdu, oublié pour devenir quelqu’un d’autre finalement.

 

D’autres pièces abordent le déni, l’apocalypse (« Blue World »), et une fantaisie psychédélique au Festival de musique émergente de Rouyn-Noranda (« All at Once »). « Untitled » rêve d’un nouvel amour et de son potentiel, alors que « L.A. Sky » et « The Hills » rendent toutes deux visite à la Californie : la première évoquant les possibilités supposément infinies de Los Angeles, et la seconde racontant l’histoire d’une vedette hollywoodienne imaginaire et son irresponsable déclin. À travers le tout, Mac Cormack crée un univers sonore à la fois percutant et intimiste, influencé par les textures électroniques de James Blake, Little Dragon, Caribou et SUUNS. Mac Cormack joue à nouveau de pratiquement chaque instrument lui-même. Les boîtes à rythmes sont entourées d’envolées de synthés; les mauvais sorts tourbillonnent auprès d’airs amoureux. Mac Cormack a caché beaucoup d’inconfort au sein d’un album chaleureux et lumineux, comme une tempête avant qu’elle éclate — et même à présent, après coup, il y a encore des éclairs dans l’air.