Esther Rose était sans cesse en mouvement lorsqu’elle a écrit How Many Times. En l’espace de deux ans, elle a déménagé trois fois, vécu la fin d’une relation amoureuse et donné plus de concerts que jamais. L’artiste de la Nouvelle-Orléans a profité de cet élan pour écrire son troisième album studio. D’où l’urgence, ainsi que le suggère le titre de l’album dans sa référence à la nature cyclique de la vie, qui accompagne How Many Times, – comme si nous faisions nous aussi l’expérience d’un éveil.

« C’est en me promenant dans des endroits sauvages que je clarifie ce que j’ai en tête, explique Rose. C’est ce qui fait de cet album un album country. Il n’y est pas tant question de comment aller mieux que de ressentir les choses, quelles qu’elles soient. »

Si, en 2019, Rose se servait du temps comme cadre des histoires de son deuxième album, You Made It This Far, elle a troqué cette horloge contre un moniteur cardiaque sur How Many Times. Quand certains regardent vers l’extérieur et se plaignent d’un moment difficile et de la malchance, Rose se tourne vers l’intérieur. Au lieu de blâmer un ex pour ne pas avoir su jongler avec ses réactions à elle sur « My Bad Mood », elle passe au crible ses propres défaillances afin de s’améliorer en amour. La fois où le moteur de sa voiture a explosé lors d’un arrêt impulsif à Nashville, elle a écrit « Good Time », non pas pour dénoncer la malchance mais pour trinquer à sa propre imprudence. Après avoir perdu son sang-froid et fui à vélo un rendez-vous amoureux lors du Nouvel An une demi-heure avant minuit, elle a immédiatement écrit « Are You Out There », affrontant sa peur de lâcher prise et de passer à autre chose.

« Je ne lutte pas contre le destin, dit Rose. J’accepte aussi bien la malchance que la chance. »

Avec la même intégrité que Dean Johnson, Faustina Masigat et Kiki Cavazos, ses inspirations majeures, Rose déploie sa country alternative en un univers alliant folk-pop, americana rustique et harmonies délicates. « Ils représentent la sainte Trinité du song-writing, dit-elle, et quand je les écoute, j’ai l’impression de pouvoir explorer mon propre chagrin. » Des touches créatives émaillent l’album. Rose utilise une Gibson ES-120T de 1962, sa première guitare électrique à corps semi-creux, pour obtenir un son acoustique unique. Sur « Mountaintop », elle inclut un mémo vocal avec des rafales de vent qu’elle a enregistré au sommet du mont Philo, dans le Vermont, en hommage à un enregistrement sur le terrain dans une chanson de Bright Eyes qui lui est chère.

De « Coyote Creek » à « Without You », la voix irrésistible de Rose est escortée d’une main de maître par les musiciens qui la rejoignent : Matt Bell au lap steel, Max Bien-Kahn à la guitare électrique, Dan Cutler à la contrebasse, Cameron Snyder à la batterie et Lyle Werner au violon. Une collection complète de prises enregistrées en direct sur bande avec une instrumentation riche, des loops qui vous harponnent l’âme et des mélodies vocales qui résonnent en chacun… Le co-producteur Ross Farbe, du groupe de synthpop Video Age, a également contribué à la réalisation, apportant une lueur pop stéréo à ces nouvelles chansons.

Dans « How Many Times », qui ouvre l’album, Rose rêve sur les petits riens alors qu’elle flâne dans sa maison. Elle a écrit cette chanson une nuit de sobriété choisie, décidant de s’attaquer directement aux émotions qu’elle avait évitées jusque-là, un thème qui revient à plusieurs reprises dans le disque. « “How Many Times“ raconte ce moment où on regarde les choses en face, dit Rose : ouvrir le frigo, faire plier du regard les bouteilles, ouvrir son ordinateur portable, arpenter la maison, et finir par faire le vide pour affronter la douleur et être avec elle. J’ai le souvenir d’avoir atteint la table où j’écris dans un état second en me disant : pas de fuite ce soir, je vais m’asseoir à cette table et affronter. »

Des premières parties de concerts de Nick Lowe à l’invitation à chanter sur le nouvel album de Jack White, le voyage qu’a entrepris Rose ces dernières années a été émaillé de nouvelles opportunités, alors qu’elle ne cessait de grandir et de jouer dans des groupes de la scène country à la Nouvelle-Orléans. L’arrivée de How Many Times est la preuve de la croissance fulgurante qu’a connue Rose, sur un plan personnel aussi bien qu’artistique. La façon dont elle traverse les épreuves et sa réflexion sur l’adversité et la beauté imprègnent tout le disque, et sa voix offre avec grâce un accès honnête à son cœur. Tout est là : dans How Many Times, Rose ne cherche pas à se lamenter sur son sort ni à nous démonter le moral. Elle affronte ses problèmes la tête haute, prête à ressentir les choses qui sont nécessaires afin de continuer à s’élever et à aller de l’avant.