Deradoorian

Find The Sun

Sortie le 18 septembre 2020

ANTI-

Find the Sun n’est pas l’album que Angel Deradoorian avait prévu de faire. Il marque une étape dans un voyage spirituel autour de l’acceptation, après des années passées à lever le voile sur son moi intérieur, pour s’apercevoir que pour trouver la paix elle devait être un peu moins dans le contrôle. L’album qui en résulte ne pouvait donc s’obtenir que par l’acte physique de son élaboration.

Après plusieurs années à faire des albums seule, Deradoorian s’est consacrée ces dernières années à des collaborations improvisées avec d’autres musiciens à New York, tissant des liens et éveillant le désir de mettre toute cette énergie au service de l’enregistrement de son album suivant. Cet album, Find the Sun, est un instantané de son état spirituel, mental de cette époque, le fruit de ces sessions jam libres avec un groupe partageant la même vision, avec pour objectif de faire quelque chose de brut et vulnérable, sans trop de répétitions.

Les chansons étaient au départ des esquisses, transformées ensuite au cours d’un été passé sur les plages de Rockaways, allongée dans le sable, absorbant les rayons du soleil, faisant résonner des bols tibétains, écrivant des paroles et discutant de musique avec son ami percussionniste Samer Ghadry. Avec Dave Harrington, collaborateur de Ghadry, ils ont emmené ces chansons dans le comté de Marin en Californie, au studio analogique Panoramic House, doté d’une salle de répétition avec vue sur l’océan Pacifique. L’énergie, l’immensité de l’endroit ont joué le rôle de quatrième membre du groupe.

Plusieurs chansons – comme le titre d’ouverture « Red Den » – sont parées d’une voix vulnérable connue pour sa beauté éthérée et son placement parfait. Au travers de métaphores astrologiques elle raconte l’histoire d’une personne aux multiples vies antérieures qui essaie désespérément de les rapprocher les unes des autres.

Inspirée par la liberté créative de Can et le style vocal de Damo Suzuki, ainsi que la spiritualité indienne qui habite les maîtres du free jazz comme Pharoah Sanders et Sun Ra, Angel Deradoorian gravite autour de sons chamaniques sur Find the Sun, des cloches, des flûtes et des gongs au service d’un album rock guidé par les esprits. La plupart des chansons ont été écrites avec la batterie en premier, en utilisant des bourdons pour établir les bases des compositions et permettre à Deradoorian de prendre davantage de risques.

Destiné à une parution en double vinyle (seul format physique disponible), l’album est divisé en quarts, afin de guider l’auditeur au travers de différents tours et détours. Le lien repose sur le thème de l’exploration intérieure, la quête de la meilleure version de soi.

« D’une manière générale beaucoup de ces chansons parlent de se trouver, et de réussir à être la meilleure personne possible. On vient d’une culture qui ne s’intéresse pas du tout à cela. On est tellement programmés pour obéir à des règles sociétales strictes que l’on ne se rend absolument pas compte du pouvoir qui est en nous. »

« Monk’s Robes » raconte l’histoire d’un moine qui se rend au sommet d’une montagne dans l’espoir de ne faire plus qu’un avec Dieu. A son arrivée, son Dieu remet en cause sa vision du monde, et révèle toute son ignorance tandis qu’il s’interroge sur sa compréhension du monde et sur son désir d’être libre. Cette chanson parle du fait d’accepter combien il est futile de vouloir s’échapper de sa réalité, de trouver la paix dans l’acceptation et d’utiliser nos ressources pour en faire quelque chose de beau. « J’ai entendu tellement de gens dire : “Je veux partir dans la montagne et vivre seul, la vie est trop douloureuse.” Et ce n’est pas la solution non plus. Il faut s’isoler, il faut apprendre de soi-même, mais on ne peut pas rester comme ça éternellement. Il faut également intégrer. Il faut faire les deux. »

Etablir une connexion avec l’humanité requiert de survivre à ses tentations. « Devil’s Market » imagine le monde comme un séduisant bazar conçu pour nous écarter de notre chemin. C’est un message qui promeut le pouvoir salvateur de la discipline, pardonner les écarts mais constamment chercher le moyen de retourner sur notre chemin. Le propre voyage de Deradoorian a été guidé par une retraite de dix jours de méditation Vipassana qui l’a aidée à se recentrer après une longue période traumatique, et qui a conduit à un album qui représente une énorme déconstruction de sa propre psyché – sa propre réalité. En se penchant sur ses angoisses et ses peurs elle reconstruit sa conscience de soi en réfléchissant sur ce en quoi elle croit. Ces thèmes sont récurrents sur Find the Sun, et sont ancrés dans les pratiques de sa retraite Vipassana : la relation entre le corps et l’esprit, et la capacité à repousser les limites dans notre façon de réfléchir ou d’écouter, en fonction de l’état de notre corps, quel que soit le moment.

Find the Sun est destiné à être ressenti autant qu’écouté. « Ce serait bien que les gens s’allongent par terre pour l’écouter, et le laissent pénétrer leur corps. J’étais dans un tel état de conscience en le faisant, j’espère qu’il provoque une réaction physique pour les gens… en termes de fréquences, de vibrations dans le son. » Telle une astrologue elle nous livre ses interprétations, qui nous disent que nos cerveaux et nos corps travaillent ensemble, tout est spirituel. Nous ne sommes rien sans nos corps.

Si Find the Sun ne représente qu’une partie du voyage spirituel de Deradoorian, c’en est une dont on ne peut percevoir la fin. C’est l’expression de la nature non linéaire du temps, le fait qu’il n’y a pas de version commune de soi. C’est pour ça que cet album est si brut : quoi qu’on ait devant soi, c’est avec ça qu’on doit travailler à présent, et c’est très bien. En tant qu’auditeur, être dans l’instant physiquement avec la musique nous ramène là où l’esprit et le corps s’unissent. « Find the Sun est un album que l’on écoute attentivement, et qui nous interroge sur nous-mêmes. »