BC Camplight

A Sober Conversation

Sortie le 27 juin 2025

Bella Union

Chaque album de BC Camplight porte en lui une histoire aussi captivante que sa musique. A Sober Conversation ne fait pas exception. Avec ce disque, le compositeur et pianiste virtuose Brian Christinzio retrace les deux dernières années de sa vie, affrontant un traumatisme infantile longtemps enfoui tout en embrassant la sobriété. Le résultat ? Un disque audacieux et introspectif, un quasi-concept album à la fois envoûtant et poignant. Son esthétique se distingue par une épuration tragicomique impitoyable, des mélodies complexes et sublimes, où des arrangements éblouissants viennent enrichir des textes saisissants. BC Camplight y atteint des sommets artistiques.

 

Le premier single, ‘Two-Legged Dog’, en est la preuve tangible. Un modèle de songwriting somptueux où Christinzio juxtapose des accords de piano bruts, à la Todd Rundgren, à des envolées de grandeur classique sophistiquée. La chanson met en vedette Abigail Morris, chanteuse principale de The Last Dinner Party. Un riff de piano descendant ouvre un drame musical à la Burt Bacharach, filtré par les changements de tension et de rythme si caractéristiques de Christinzio, tandis qu’il plonge au plus profond de lui-même. « Je commence à comprendre que je peux accepter l’amour et l’aide des autres, mais que je dois aussi m’aider moi-même », confie-t-il.

 

A Sober Conversation fait suite à The Last Rotation Of Earth (2023), son premier album à intégrer le top 40, salué par la critique et inspiré de la douloureuse rupture de sa relation de longue date. Ce disque lui avait valu les louanges les plus enthousiastes de sa carrière (« Un chef-d’œuvre », selon le Sunday Times ; « Magistral » pour Uncut ; « Un disque extraordinaire » d’après MOJO) ainsi que ses plus grands concerts à ce jour, notamment au Shepherd’s Bush Empire de Londres et à l’Albert Hall de Manchester. Mais même la reconnaissance de son talent ne suffit pas à atténuer la bataille contre sa longue histoire de dépression. « Pendant l’époque de ‘The Last Rotation…’, j’ai réalisé que je vivais dans une enfance perpétuelle, perturbé en permanence, fuyant mes responsabilités et mes pensées noires », confie-t-il. « J’avais soif de sens, je pensais à avoir des enfants… J’ai fui trop longtemps. Mais on doit choisir : avancer ou s’enfoncer dans la drogue. J’ai choisi de ne plus me laisser abattre. »

 

Sa lucidité retrouvée l’a ramené à un épisode marquant de son enfance : un abus subi dans un camp d’été du New Jersey. Alors que ses précédents albums effleuraient le sujet, A Sober Conversation en fait son thème central. « J’ai passé 30 ans à redouter d’ouvrir cette porte, craignant le prix à payer. J’ai fini par l’ouvrir, et cet album est ce qui se trouvait de l’autre côté », explique-t-il. « J’espère qu’il m’aidera, mais il s’adresse aussi à tous ceux qui cherchent à trouver leur courage. »

 

L’album oscille entre introspection et humour, entre désobéissance et acceptation. Dans ‘The Tent’, une intro angoissante aux synthés laisse place à une ballade au piano teintée de country, avant une envolée de chœurs euphoriques. Christinzio y pose la question centrale : « Vais-je affronter la vérité ou laisser cela continuer à me détruire ? »

 

Au fil des morceaux, il dialogue avec lui-même. La chanson titre en est un exemple saisissant : « Je me traîne dans tous ces endroits où je ne veux pas aller… » Au lieu d’affronter directement le sujet, il préfère l’humour. « Une confession cachée parmi des absurdités», dit-il en référence à la réplique « Ne le dites à personne. Je me fiche de David Bowie. »

 

L’album alterne entre tons amers et notes d’espoir. ‘When I Make My First Million’ est un moment plus dur, presque désobéissant, marquant une prise de conscience : « J’ai toujours cru que la prochaine étape de ma vie réglerait tout, mais je ne me suis jamais donné la chance d’aller mieux. »

 

Puis vient ‘Where Are You Taking My Baby’, moment d’acceptation : « Je suis prêt à ne plus te haïr, je reprends le pouvoir. Mais je dois savoir : où as-tu emmené cet enfant ? Pourquoi l’as-tu laissé là-bas ? »

 

Après cette confrontation poignante, ‘Bubbles In The Gasoline’ apporte une pause bienfaisante, teintée d’un humour mordant et d’une forme d’optimisme. Christinzio refuse désormais d’utiliser les épreuves comme des excuses pour alimenter l’idée qu’il est voué au chaos.

 

L’album se conclut avec ‘Camp Four Oaks’, un instrumental cinématographique qui tente d’apaiser l’auditeur après ce voyage intense.

 

Ainsi s’achève un nouvel opus magistral de BC Camplight. Considéré comme un des artistes les plus impressionnants sur scène, il entamera une tournée cette année, passant par des salles encore plus prestigieuses, dont le Roundhouse de Londres et l’Apollo de Manchester.

 

« Me libérer de mes démons m’a fait réévaluer toute ma carrière », conclut-il. « Je suis un outsider. Mais peut-être que les gens ressentent l’authenticité de ma musique. Et c’est ce qui compte. »