Alice Phoebe Lou

Oblivion

Sortie le 24 octobre 2025

Nettwerk Music Group

Lorsque les yeux s’ouvrent et que le monde renaît pour la première fois, surgit l’oubli. Non pas la destruction ni l’effondrement, mais cet oubli qu’Alice Phoebe Lou décrit comme un lieu profond et obscur, où des fragments de potentiel incandescent dérivent doucement vers la vie. La chanteuse et compositrice sud-africaine installée en Europe a su dépasser le tumulte de la modernité pour atteindre un espace intérieur d’où jaillissent des mélodies lumineuses et des paroles intimes. Elle les façonne en chansons à la fois légères et profondes, rendant hommage à la simplicité sublime de ses années de musicienne de rue. « Plutôt que de trop réfléchir au résultat ou au jugement, ces chansons sont nées pour moi-même, comme un retour à la maison », confie-t-elle à propos de son nouvel album, Oblivion. « Puiser dans cette inconscience procure un vrai bonheur. Oblivion est un endroit où l’on oublie ce que les autres attendent de nous pour retrouver sa véritable essence. »

 

Au fil de cinq albums aboutis, Alice Phoebe Lou s’est imposée comme une force musicale singulière, dévoilant sans cesse de nouvelles facettes de sa voix expressive et de son écriture envoûtante. Si cette évolution lui a valu des critiques élogieuses et une audience croissante — plus de 2,1 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify — elle ressentait aussi la pression constante d’avancer toujours plus loin. Après le majestueux Shelter (2023), l’idée de franchir une nouvelle étape semblait particulièrement intimidante. « Dans cette industrie, on insiste beaucoup sur la nécessité de se surpasser », explique-t-elle. « J’ai préféré revenir à mes racines, au jeu dans la rue. Ces chansons sont issues de mon subconscient, de mes rêves, de l’oubli du sommeil, de cet endroit où l’on accède à ses pensées, ses désirs, ses souvenirs et ses émotions les plus profondes sans se soucier de leur réception. »

 

Cette liberté retrouvée éclate dès ‘Pretender’, une introspection enjouée qui évoque à la fois Joni Mitchell et Nick Drake. Là où ses précédents albums jouaient de productions méticuleusement superposées, Alice Phoebe Lou s’appuie ici sur un accompagnement acoustique dépouillé, plaçant l’auditeur dans l’instant, au plus près de ses paroles. Ce dépouillement accompagne aussi l’évolution narrative d’Oblivion. « Glow et Shelter exploraient mes traumatismes et ma quête de refuge, tandis que Oblivion me montre en train d’affronter mes failles et de les dire à voix haute », explique-t-elle. « Dans Pretender, ne plus ressentir le besoin de tout savoir ni d’avoir toutes les réponses est un soulagement immense. » Cette humilité, cette acceptation des imperfections et cette recherche de soi résonnent comme une brise mélodieuse.

 

Les morceaux d’Oblivion s’enchaînent dans une atmosphère presque onirique, portés par des boucles mélodiques qui tournent comme des cercles concentriques et des harmonies éthérées, résultat d’un processus d’écriture basé sur le flux de conscience. « Je n’ai pas cherché à trop analyser chaque ligne ni à imaginer la façon dont elles seraient perçues », raconte-t-elle. « Au lieu de me contracter ou de m’effacer, j’ai trouvé la force de briller et d’assumer pleinement mon expression. »

 

Le titre phare, ‘Sparkle’, poursuit cette exploration intime : assise au piano, la voix détendue, Alice Phoebe Lou donne à la chanson des allures de standard de jazz. Le morceau illustre parfaitement la production épurée de l’album : on entend presque le poids de chaque touche, accompagné d’un léger crépitement sur la voix, comme si l’on était dans la pièce. «And if you should see me as I sparkle in the night » (Et si tu me vois briller dans la nuit), chante-t-elle avec douceur mais assurance. « Don’t be a fool, it’s not for you / It is for the divine » (Ne sois pas idiot, ce n’est pas pour toi / C’est pour le divin).

 

Plus loin, ‘Mind Reader’ révèle une autre facette de son talent, mêlant quelques touches de guitare électrique à la texture acoustique pour créer une sonorité aérienne et emplie d’espoir. « I’m not a mind reader / But I will try for you » (Je ne lis pas dans les pensées / Mais j’essaierai pour toi), souffle-t-elle. Là où d’autres auraient cherché à tirer une conclusion définitive d’une relation marquée par des difficultés de communication, elle choisit la sincérité et trouve du sens dans le chemin parcouru : « Take a look at how far we’ve come/ There’s so much more to feel » (Regarde le chemin que nous avons parcouru / Il y a tellement plus à ressentir).

 

Enregistré au La Pot Studio de Berlin et coproduit avec ses fidèles collaborateurs Ziv Yamin et Dekel Adin, Oblivion s’impose comme un chef-d’œuvre de délicatesse et de tension maîtrisée. La voix d’Alice Phoebe Lou, mise en lumière comme sous un projecteur, domine sans jamais écraser, même dans les instants les plus calmes. « Tout s’est mis en place très vite, avec une intention limpide », explique-t-elle. « Parfois, je laissais passer une note qui, auparavant, aurait gâché la prise. Je voulais que les chansons restent ces petites choses imparfaites. Il y a quelque chose de sacré et de beau dans le fait de créer sans craindre le regard du public. »

 

Cette fluidité imprègne ‘Darling’, baigné de teintes dorées, où chaque accord de guitare s’élève comme une marche magique. Le morceau s’enrichit d’un rare jeu de studio : plusieurs couches de voix sans paroles qui virevoltent comme des papillons harmonieux. Le titre ‘Oblivion’ pousse encore plus loin cette expérimentation vocale, enterrant les harmonies dans une subtile distorsion et des tonalités graves, tandis que le piano semble plonger dans un vertige sous-marin. Côté texte, la chanson explore la dimension mystique du titre de l’album : « No time no space / I’m in between / When I opened my eyes she was there / And her skin was golden » (Pas de temps, pas d’espace / Je suis entre deux mondes / Quand j’ai ouvert les yeux, elle était là / Et sa peau était dorée). Ce tourbillon psychédélique s’efface ensuite devant la clarté de ‘You and I’, qui appelle à la communication directe et à « tout ton amour ».

 

Tout au long de ce voyage éthéré, Oblivion embrasse l’inconnu et guide l’auditeur au cœur de cette profondeur mystérieuse. Par ses arrangements épurés, Alice Phoebe Lou transforme la vulnérabilité en force lumineuse, apprivoise l’incertitude et les émotions contradictoires jusqu’à en faire des alliées. « Ces chansons viennent des zones les plus sombres, là où l’on retient en soi quelque chose avant de le laisser s’échapper, même si c’est gênant ou douloureux », explique- t -elle. « Oblivion repose sur l’idée de permettre à ces débordements d’exister, pour les ressentir, les traverser et en ressortir grandi. » Dans cet espace suspendu entre ombre et lumière, Alice Phoebe Lou invite chacun·e à explorer son oubli et le leur, éclairant un chemin intérieur dont on sort transformé.