STATS

Powys 1999

Sortie le 13 novembre 2020

Memphis Industries

« Je savais que nous devions retourner au Pays de Galles pour faire cet album », déclare Ed Seed à propos du nouvel album de Stats, Powys 1999. « Je savais aussi que je ne voulais pas qu’il soit joyeux et futile. Il fallait qu’il soit comme un mois d’octobre, quand le temps est imprévisible. Je voulais que le groupe puisse sortir et ressentir ça. »

Le premier album du groupe, Other People’s Lives, avait fait l’unanimité, d’Elton John à Phoebe Waller-Bridge. Enregistré en seulement deux jours en profitant d’une brèche dans le programme chargé de Seed durant sa tournée avec Dua Lipa, ce premier album était différent. Le groupe a ensuite levé le camp pour un studio au Pays de Galles, près de l’endroit où Seed a grandi, dans le Powys. « Ce disque ne parle pas exactement du Powys ou de l’année 1999, dit-il. Mais je recherchais ce paysage-là, et je pensais à certaines personnes avec lesquelles j’ai grandi et aux différentes raisons qui avaient poussé les gens à venir d’ailleurs pour vivre ici. »

La région est connue pour « l’agriculture, la sylviculture, le tourisme et une présence militaire discrète mais significative ». Mais c’est aussi la génération de ses parents, les motivations de tous ces gens à venir ici, qui l’ont fasciné. Sa mère et son père ont quitté Manchester dans les années 70, avec beaucoup d’autres, partout dans le pays. « Les gens venaient ici se droguer en paix, profiter de leur retraite, vivre en harmonie avec la nature ou en tirer profit, élever des enfants ou des poulets, faire de la moto à une vitesse dingue ou délirer en forêt, bâtir une communauté, se préparer à l’Apocalypse ou ouvrir un restaurant par exemple. Beaucoup essayaient de vivre selon leurs propres codes, en dehors de la norme. C’était peut être idéaliste ou réactionnaire, utopique ou parano, éco-futuriste ou survivaliste – ou juste par nécessité pratique.

Seed a emmené le groupe chez lui pour que chacun des membres s’imprègne des paysages et des ambiances dont il se nourrissait enfant. « Vous êtes sur le flanc d’une colline, seul au monde, et vous pouvez voir à des kilomètres », dit-il à propos de sa maison d’enfance et de l’emplacement du studio. Pourtant, l’album contient également des contradictions et des incertitudes qui reflètent la relation ambivalente de Seed avec ce lieu. Ayant grandi juste à la frontière anglo-galloise, il ne savait pas d’où il était, il se sentait écartelé. « J’avais l’impression de ne pas m’intégrer, contrairement à beaucoup de gens quand ils sont jeunes », dit-il. « Pour moi, il s’agissait spécifiquement du paysage lui-même, du vieux pays où je suis né, que j’aimais mais auquel je n’appartenais pas. Quand on pense à la campagne, on oppose souvent le naturel et l’artificiel, comme on parlerait de ce qui est vrai et de ce qui est faux. Je me sentais un peu comme un imposteur là-bas, en tant que nouveau venu, je me sentais étranger, ni gallois ni anglais. Mais en observant le paysage, j’ai commencé à prendre conscience de sa dimension culturelle, et du mythe de ce qu’on appelle la nature. Ça m’a aidé. »

Une fois installés ensemble, les membres du groupe se sont isolés pour de longues sessions d’improvisation, le seul plan étant de « produire de la dance ». Après quelques jours, certains membres du groupe sont retournés à Londres pour le travail et d’autres sont restés pendant que Seed commençait à travailler sur ce qu’ils avaient. « J’ai été un peu dépassé par tout ça, dit-il. Mais aussi par le peu de matière : il n’y avait pas encore de chansons. » Cependant, les angoisses de Seed se sont rapidement dissipées quand il a trouvé par hasard une boucle de dix-sept minutes à l’intérieur d’une improvisation. Les membres du groupe sont sortis se promener et Seed a fait les cent pas dans le studio en éructant des mots sur la boucle jusqu’à ce que le morceau qui ouvre l’album, Come With Me, voie le jour. Puis tout le reste a jailli.

Le morceau qui en résulte donne le ton à un album riche de beats tonitruants, de synthés spongieux, de mélodies contagieuses et de hooks pop. C’est une chanson autobiographique, à la fois dans les mots et dans les sons, avec une musique qui reflète l’expérience que ce fut pour Seed de grandir sur le flanc d’une montagne, au milieu de nulle part. « Les descentes de synthé me font penser à des cris de buses et Nicole a vraiment puisé loin dans son violoncelle pour créer ces drones qui scient et rugissent. Pour moi, ce sont les avions de chasse de la Royal Air Force qui volaient en rase-motte au-dessus des collines pendant la guerre. » Les enregistrements de Nicole sur le terrain – les sons de pluie, de rivière, et de la musique en écho dans les vallées – parsèment également l’album.

Il y a un récit dense dans le disque qui explore l’éducation personnelle – et les souvenirs potentiellement indignes de confiance qui accompagnent une telle réflexion – ainsi que le paysage industriel, financier et politique de la campagne. Ce n’est pas une plongée indulgente et mielleuse dans l’enfance. « Ce n’est pas nostalgique, dit Seed. Ça parle du passé mais aussi de l’avenir. Vivre d’une autre manière ne semble pas vraiment possible désormais pour des raisons technologiques et financières – et j’ai cherché l’inspiration auprès de personnes que je connaissais et qui ont essayé de vivre autrement. La toile de fond narrative n’est pas autre chose : une toile de fond. « Ça doit être divertissant, dit Seed. Il faut que ça claque. Ce qui doit être clair pour les gens le sera. Si vous avez quelque chose de vraiment excitant à faire écouter, alors vous pouvez en quelque sorte dire ce que vous voulez et les gens prennent ce qu’ils veulent.

Et l’album claque bel et bien, des accents très Sparks de « On The Tip Of My Tongue » aux palpitations de dancefloor de « Kiss Me Like It’s Over », en passant par l’électro-pop-funk de « Naturalise Me » et l’émouvant piano couplé aux harmonies vocales de « Travel With Me Through This Ghost World » (avec Emmy The Great). Le disque s’écoule comme les collines vallonnées qui ont entouré sa création. C’est en étant enfermés et en vivant, en mangeant et en jouant ensemble que les membres du groupe ont fait émerger le lien musical profond qu’ils partagent. « Ce sentiment d’être tous ensemble est particulièrement bon pour la dance, dit Seed. Le groupe a tellement donné rien que par la présence physique des membres. Nicole et moi chantons des tas de duos sur cet album (avec beaucoup de superpositions de voix), que nous n’aurions pas le temps de peaufiner habituellement. Nous nous sommes accordé plus d’espace et de temps. Par exemple ça a permis à John [le batteur de Stats] d’affiner tellement plus les choses, même inconsciemment. Tous les huit nous avons écrit en studio et sommes repartis avec des chansons entièrement terminées : ce n’est pas une façon de travailler que j’avais pratiquée auparavant.

Pour beaucoup de gens, l’idée de se retirer dans un studio isolé à la campagne est synonyme d’une musique disons insulaire ou bucolique, mais avec Powys 1999, les Stats ont tordu le coup à ce poncif. « Parce que vous ne voyez personne dans des étendues immenses, vous pouvez avoir de grandes révélations sur les choses. Ça pourrait être dangereux, mais c’est aussi incroyablement amusant », déclare Seed. Le résultat est dynamique et exubérant, c’est un mélange heureux de dance et de pop qui partage non seulement des racines géographiques et un solide sentiment d’appartenance avec le Powys, mais aussi avec les gens qui affluèrent vers ces mêmes collines pour exulter jusqu’au lever du jour.