Rozi Plain

What A Boost

Sortie le 5 avril 2019

Memphis Industries

La musique de Rozi Plain a toujours fait penser à un arrêt sur image. Un instantané du monde coloré et élégant, en pause, suspendu, avec lequel on s’amuse gentiment, un peu comme si l’on sortait du monde linéaire tel qu’on le connaît. Un rêve éveillé. Rozi Plain a sorti trois albums au cours des dix dernières années, chacun identique à cette description, séduisant, envoûtant, d’une nature délicate, comme si un seul souffle pouvait le faire disparaître à tout moment, nous renvoyant alors dans le monde réel.

 

Son tout nouvel album, What A Boost, est paré de la même élégance, mais il représente un voyage quelque peu différent, distinctif. Une traversée, une inspiration unique émergeant de gens, d’endroits différents. Le mouvement, l’action. Le voyage.

 

Peaufiné pendant un an pendant que Rozi joue de la basse sur la tournée de This is the Kit, What A Boost entretient ses racines modestes pour éclore sous la forme d’un album qui ne parle pas strictement de la vie sur la route mais qui, superbement, est modelé par elle. Il se joue comme une bande originale du monde qui s’échappe par la fenêtre ; toutes les formes, les couleurs, les vues et les sons qui vacillent devant nos yeux alors qu’on essaie d’en attraper le plus possible.

 

What A Boost est également marqué par les endroits particuliers où il a été créé. D’abord il y a eu le studio Old Dentist, en bas de chez Rozi à Clapton, un lieu où beaucoup des idées initiales ont été évoquées. Ensuite il y a eu une base RAF (Royal Air Force) dans le Suffolk, où certaines chansons ont commencé à prendre vie. Un jour de repos pour le moins productif pendant la tournée à Los Angeles a permis l’enregistrement de trois chansons (« Swing Shut », « Conditions » et « Trouble ») avec Chris Cohen (Deerhoof, Cass McCombs, Weyes Blood). De retour à Londres, l’album a vraiment pris forme au Total Refreshment Center (TRC), une installation presque légendaire au sein de la scène jazz londonienne émergeante. L’album précédent de Rozi, Friend, a été le premier à être enregistré dans ses murs. « Depuis, le TRC fait partie de ma vie. Ici une grande communauté d’artistes et de musiciens travaille, mène des actions proactives », raconte Plain avec enthousiasme. C’est donc naturellement qu’elle est revenue dans ce lieu pour What A Boost, un peu avant sa fermeture en tant que salle de concert en 2018, en raison d’une décision du Hackney Council.

 

L’album est donc empreint d’un sens de l’aventure libre, de petites graines qui deviennent gigantesques grâce à des guitares qui suivent des schémas répétitifs proches du jazz, des tempos qui changement doucement, s’accélérant puis ralentissant puis s’accélérant à nouveau, pour façonner un album à la fois original et complexe. Le single phare « Conditions » donne le la, c’est une chanson plus magnétique que jamais, entraînée par des lignes de guitares étincelantes et des percussions agitées et espiègles. « Swing Shut » est une mixture brillante combinant un groove enivrant et une couleur radieuse, tandis que « Dark Park » est encore plus hypnotique, une ode fascinante et mouvante aux « vagues de changement qui peuvent frapper subitement », comme l’explique Rozi elle-même : « C’est comme les saisons qui changent, on se souvient tout d’un coup de toute sa vie à ce moment de l’année. » L’album atteint son paroxysme avec un enregistrement studio de « When There is no Sun », la reprise bien-aimée de Rozi de Sun Ra, une influence très importante dans son travail plus récent.

Un autre aspect essentiel de What A Boost est la collaboration. Inspirée par son invitation à participer au festival PEOPLE en 2018, une semaine de performances collaboratives conçue par Justin Vernon (Bon Iver) et Aaron Dessner (The National), Rozi a ouvert son nouvel album à plusieurs esprits, chacun d’eux y apportant un peu de sa magie.

 

« C’est formidable de travailler avec d’autres personnes que l’on apprécie, et en qui on a confiance, et de s’autoriser à se laisser entraîner là où on n’aurait jamais cru pouvoir aller », raconte Rozi à propos de ce processus de collaboration. « Je pense qu’on doit apprendre à se faire confiance à soi-même avant de pouvoir faire confiance aux autres. Apprendre à être courageux, à ne pas trop s’attacher à certaines choses, c’est important pour prendre le virage de la collaboration. »

 

Coproduit par le batteur habituel Jamie Whitby Coles, l’album accueille aussi les membres du groupe live Neil Smith, Amaury Ranger et Gerard Black. Rozi a ouvert son nouveau projet à plusieurs visages familiers et amicaux, What A Boost se vantant de collaborations avec des artistes comme Sam Amidon, Rachel Horwood (Bas Jan, Trash Kit), Joel Wästberg, alias sir Was, Raphaël Desmarets, Yoshino Shigihara (Zun Zun Egui, Yama Warashi) et Dan Leavers du groupe The Comet Is Coming, qui a enregistré et joué sur le titre expérimental « The Gap ». L’album a été mixé par Ash Workman (Metronomy, Christine and the Queens) à son studio Electric Beach.

 

Complexe et sinueux, énigmatique et ambigu, What A Boost est toujours proche du travail passé de Rozi Plain, tout en accédant à un tout nouveau monde à explorer. Un monde qui étincelle et qui picote les sens. Un monde qui se révèle davantage, tout en douceur, au fur et à mesure, empruntant de nouveaux chemins, visitant de nouveaux endroits à investir puis à quitter ; une succession de séquences qui vous invitent à vous souvenir où vous êtes allé, où vous êtes, et où vous voulez aller ensuite. « Peut-être que ça vient du fait d’être toujours ailleurs », s’interroge Rozi. « J’ai l’impression qu’on regarde beaucoup en arrière, en avant, on examine sa vie, et on observe dehors. »