Francis Lung

A Dream Is U

Sortie le 13 septembre 2019

Memphis Industries

Francis Lung n’est pas loin de la vérité lorsqu’il dit de son album qu’il sonne « comme un garçon de Manchester qui essaierait seul de générer une Beatlemania ». Le premier album très attendu de Lung, A Dream Is U, qui sortira cet été, est à la fois audacieux et enthousiaste, un voyage kaléidoscopique merveilleusement énigmatique, le son d’un multi-instrumentiste réunissant toutes sorties d’influences au cœur d’un album magnifiquement cohésif.

Succédant aux deux EP Volume 1 et Volume 2, qui contenaient quelques pépites écrites pendant qu’il faisait partie du groupe Wu Lyf, A Dream Is U est la première sortie d’album intégral de Francis Lung, avec la complicité du producteur Brendan Williams (Dutch Uncles, GoGo Penguin). « Avant de lancer l’enregistrement, j’avais déjà une idée très précise des arrangements. La mission était d’obtenir un rendu fidèle à ce que j’avais en tête. »

Superbe mélange d’instruments, A Dream Is U pourrait être un album pop classique, mais il contient toutes sortes d’ornementations, du violon à l’alto, du violoncelle au saxophone. Ecrivant pour la première fois pour des cordes, Francis s’est inspiré d’artistes comme Michael Brown (The Left Banke) et Robert Kirby (Nick Drake). Ces parties cordes sont jouées par deux membres de l’Hallé Orchestra, et le saxophone est joué par le saxophoniste jazz de Manchester Sam Healy. « Il a essentiellement joué ce que j’avais écrit spécialement pour lui. Mais le solo à la fin de “The Lie” vient entièrement de lui, moi j’étais juste en train d’essayer de le diriger en sautant et en agitant les bras ! »

Initialement l’album devait évoquer les différentes étapes d’une relation, de l’excitation des débuts à l’amertume de la rupture, et en fin de compte il constitue un assortiment de sentiments, telles des pièces de puzzle éparpillées hors de leur boîte. « Le problème avec cette thématique, c’est qu’elle n’était pas suffisamment réaliste, trop tranchée, explique aujourd’hui Francis. On peut éprouver tous ces sentiments en un jour, sans suivre un ordre donné. Il me paraît plus humain de ressentir ces émotions telles qu’elles arrivent à n’importe quel moment, sans réelle intention. Je voulais que cet album reflète cette spontanéité. »

L’album débute avec « I Wanna Live in My Dreams », une explosion pop éblouissante inspirée des Ronettes, une ode au sommeil, mais aussi une allégorie de la mélancolie d’aujourd’hui sous ses dehors joyeux, rappelant Stephen Merrit ou Elliott Smith dans leur capacité à transformer des moments de tristesse en quelque chose de ravissant. « Ecrire une chanson, c’est un peu comme écrire une blague, on a besoin d’un contexte et d’une chute. Mais mon objectif est vraiment, sincèrement de faire de la musique qui réconforte les gens, pas qui les déprime. Alors j’essaie d’explorer ce chemin-là. »

Le reste de l’album n’a pas peur de s’aventurer sur des territoires très diversifiés, avec des influences allant de Big Star aux Beach Boys, Guided By Voices, Olivia Tremor Control, Apples in Stereo. Il ne s’agit pas d’une collection de chansons d’amour évidentes. Le couple est le point central, mais il est présenté sous de multiples formes. « Comedown », par exemple, raconte l’histoire complexe de la dépendance aux drogues de deux personnes, et le système d’engrenage mutuel dans lequel elles se sont enfermées l’une l’autre, sur fond de doux piano et de cordes émouvantes. « Up and Down », titre à première vue plus enjoué, raconte néanmoins une histoire d’amour entre deux personnes bipolaires, chacune à la merci de ses sautes d’humeur destructrices, un titre qui alterne des couplets plutôt doux et un refrain dramatique.

Abordant les thèmes universels de l’amour, de la foi et de l’addiction et les troubles qui vont avec, A Dream Is U est une galerie de personnages et d’histoires qui se jouent à la manière d’une bande dessinée d’Harvey Pekar ; une chronique obsessionnelle de vies quotidiennes démantelées et reformées par l’esprit et le style du narrateur. Francis Lung a créé un premier album qui navigue entre l’acceptation pure et simple et l’envie d’en avoir toujours plus. Voici ce que Francis dit à propos du titre « Unnecessary Love » : « Ce que je préfère dans l’album, c’est quand il parle de s’échapper pour rejoindre un autre univers. C’est un rêve impossible, mais je trouve amusant de penser que si nous survivons suffisamment longtemps, alors il sera peut-être accessible. »

La clé de tout l’album se trouve peut-être bien dans le dernier titre. Ecrit sur un piano pour enfant trouvé dans une boutique d’occasion, « The Lie » est une chanson pop effrontément entraînante, reflétant l’intention globale de Francis, c’est-à-dire trouver le moyen, par le biais de notre lutte intérieure parfois confuse, de s’accepter tels que nous sommes. « Je n’aime pas crier mes paroles, mais je pense que la phrase “If you could accept yourself you’d be happy” mériterait d’être criée. Je ne veux pas simplifier à outrance la solution aux luttes que nous menons en chacun de nous, mais je sais que le fait d’apprendre à m’accepter m’aiderait infiniment. »

Parfois exubérant et rayonnant, parfois contemplatif et menaçant, A Dream Is U ressemble à un rêve éveillé, une bouffée d’air frais dans une routine installée depuis trop longtemps, telles des ombres quittant leurs corps de marionnettes pour suivre leur propre musique.