Dana Gavanski

Yesterday Is Gone

Sortie le 27 mars

Full Time Hobby

I’m learning how to say goodbye / to let you go and face the tide / to wrap my feelings in a song”, chante Dana Gavanski sur le title track de son premier LP, Yesterday Is Gone. Envelopper ses sentiments dans une chanson : c’est l’objectif que Dana s’est fixé avec cet album. Beaucoup de compositeurs partagent cet objectif, mais peu d’entre eux font preuve d’autant d’aplomb. Yesterday Is Gone représente pour Dana une tentative d’ « apprendre à dire ce qu’elle ressent, et de ressentir ce qu’elle dit » : un album fait de désir, de dévouement au désir, et de l’incertitude qui va de pair avec la découverte de soi-même, un album qui parle de repousser les limites, d’échouer puis de se relever.

Née à Vancouver dans une famille serbe, Dana a toujours désiré chanter. Au cours de sa dernière année à l’université de Montréal, elle décide de se remettre à la guitare. Mais avec un père dans l’industrie du cinéma et une mère peintre, d’autres formes d’art prennent le dessus. Elle passe un été à travailler comme assistante de production auprès de son père dans les Laurentides, dans un hôtel abandonné transformé en bureau. Les journées passées devant son écran d’ordinateur consolident son désir de faire de la musique, « parce que je n’avais tellement pas le temps de jouer que c’était tout ce que je voulais faire, pour que ça devienne réel ». Elle gagne suffisamment d’argent pour se consacrer entièrement à l’écriture pendant un an, et sort son EP Spring Demos, en septembre 2017, que Dana décrit comme « tout ce qui est sorti de moi. Un déluge ».

Après Spring Demos, Yesterday Is Gone représente le souhait de Dana de « faire quelque chose de plus grand, de plus réfléchi ». Constitué de détermination autant que d’incertitude – « Je voulais juste écrire une bonne chanson » –, l’album prend forme à son retour d’une résidence d’écriture à Banff, dans la province d’Alberta. L’objectif au terme de cette résidence est de ne pas se préoccuper de l’éventuelle « prévisibilité » de ses chansons. Elle commence à expérimenter l’art de ne rien avoir à faire, de se retrouver seule avec ses émotions, se perdre dans le paysage. Elle pense à Vashti Bunyan, passant des heures sur la route à écrire, rien qu’écrire. Elle se dit que l’écriture pourrait l’aider à mettre de l’ordre dans sa vie après sa rupture et son déménagement. Seule à Toronto, Dana a du mal à se sentir chez elle, à se lier aux gens, mais cette solitude lui permet de se consacrer entièrement à l’écriture. Elle travaille tous les jours à son bureau, dans sa chambre, jusqu’à ce qu’elle commence à comprendre le processus d’écriture : « Transformer un ardent désir en quelque chose de clair et de tangible est une tâche délicate, qui nous rend vulnérable. On doit laisser faire les choses, accepter de perdre le contrôle. »

Le disque est coproduit par Dana, Sam Gleason, musicien établi à Toronto, et Mike Lindsay de Tunng et LUMP. Sam aide Dana dans la création des chansons, et Mike, grâce à sa touche personnelle, marque le « début du développement d’un son le plus proche possible de ce que j’avais en tête ». Dana et Mike apprécient particulièrement de « trouver les choses essentielles, ne pas trop en faire, garder les choses à l’état brut et laisser les éléments de la chanson s’exprimer ». Ils sont également submergés par la diversité des sons et des instruments. Dana dit : « On ressent un truc, on prend un instrument. Au début on sait ce qu’on veut. Il faut parvenir à se débarrasser de ce qu’on ne veut pas. »

L’album prend forme au creux des mains de Dana, Sam et Mike, il revêt différentes saveurs, sentiments, visions. Quand Dana joue les chansons avec un groupe, une nouvelle forme apparaît. Dana est intriguée par les artistes comme David Bowie et Aldous Harding, capables d’incarner plusieurs personnalités sur scène, de se connecter physiquement à leur musique. « Quand je regarde ces performances scéniques, je sens que mon corps a une envie extravagante de s’exprimer… de se débarrasser de sa conscience de soi et de devenir cette énergie. »

Un voyage de trois mois en Serbie au cours de l’automne 2018 met vraiment la scène en avant dans l’esprit de Dana. Elle suit des cours pour apprendre à chanter avec la résonance requise dans l’interprétation de chansons traditionnelles serbes. Imprégnée par la musique des années 1950, 1960 et 1970, par l’ambiance pleine d’énergie des kafana, des cafés où l’on joue de la musique, Dana ressent un désir intense d’être totalement habitée sur scène. « J’ai souvent l’impression que nos corps sont controlés. Parfois j’ai juste envie de faire un nœud à ma lèvre et de la laisser comme ça. »

Debout dans un train bondé au printemps dernier, Dana chante « Jano Mome », une chanson macédonienne, pour un groupe de joyeuses Irlandaises. Ce moment, bref mais magnifique, lui confirme son besoin de spontanéité scénique. Il révèle aussi son envie d’intégrer un élégant effet théâtral et une vive émotion dans le paysage folk qui l’inspire, composé des chanteurs contemporains H Hawkline et Julia Holter, et des éternels Fairport Convention, Anne Briggs, Connie Converse, et Judee Sill. Yesterday Is Gone est totalement habité de ces désirs expressifs. Des instants de charme volent en éclats pour planter un décor constitué de guitare tendrement pincée, de basse, de synthétiseur, d’éléments plus pop, qui travaillent de concert pour dévoiler son mur de son bien à elle. Chaque élément est méticuleusement placé, offrant une réaction profondément sincère au chaos des émotions humaines.

« Il faut souvent s’avancer un peu plus loin sur un chemin pour apprendre quelque chose sur soi », dit Dana. Ses mois d’écriture solitaire et de doutes en sont la preuve, mais ils ont conduit à Yesterday Is Gone : un regard déterminé et optimiste sur l’avenir.