The Coral

Move Through The Dawn

Sortie le 24 aout 2018

Ignition

Move Through The Dawn est la deuxième étape marquant le grand retour de The Coral. Après Butterfly House en 2010, le groupe de Wirral, dont les membres, à l’exception du chanteur James Skelly, étaient directement passés d’une salle de classe à une tournée avec Oasis sans même avoir eu le temps de réfléchir à ce qui leur arrivait, ont donc pris une pause de cinq ans. Cette période a été, comme le dit le clavier Nick Power, « comme entrer dans le château des Ombres [Castle Grayskull, “Les Maîtres de l’univers”]. Le monde était un endroit terrifiant. » Mais cette pause était nécessaire. The Coral sont revenus en pleine forme avec le psychédélique Distance Inbetween et ses gros riffs en 2016. Et aujourd’hui ils font leur retour avec un album mélodique, optimiste, plein de chansons parfaitement travaillées.

 

« On avait plus ou moins écrit un autre album entier dans le style du précédent », explique James à propos du développement de Move Through the Dawn. « Distance Inbetween avait été bien reçu, et ç’aurait été facile d’en profiter et de refaire la même chose. On a réservé un studio et on a eu une révélation : on devait aller dans la direction opposée. On devait écrire des chansons de trois minutes, sans fioritures, presque sans solos. Je veux dire, j’aime The War on Drugs et The Arcade Fire, mais est-ce que ton morceau le plus court doit vraiment faire plus de cinq minutes ? On avait l’impression que les chansons de trois minutes étaient démodées dans le rock, et elles avaient besoin qu’on les remette sur le devant de la scène. »

 

The Coral ont tenu à trouver la mélodie parfaite, aux côtés de paroles s’intéressant sérieusement à notre façon de vivre aujourd’hui, dans l’espoir d’un avenir meilleur. Dans cet album, toutes les chansons sont importantes : la superbement romantique « Eyes Like Pearls », la très punk « Sweet Release », ou « After the Fair » et sa douce guitare folk. A l’image de The Coral, l’album est également excentrique. Il s’inspire de la musique des années 1960 et 1970 mais ne lui est pas redevable pour autant, il a son propre caractère. « Eyes of the Moon » a un côté sinistre, rock anglais des débuts, un truc qu’aurait pu trouver Joe Meek. « Outside my Window » a des nuances de The Yardbirds et Del Shannon. Ce ne sont pas des références qu’on trouve souvent chez les groupes de rock en 2018. Nick explique cette particularité de The Coral : « On vit à la mer. Quand tu vas à New Brighton sur la péninsule de Wirral, tu entends “Runaway” de Del Shannon dans la galerie marchande. J’y suis allé l’autre jour et ils passaient “Comfortably Numb” de Pink Floyd et “Break on Through” des Doors. C’est un saut dans le temps génial. Les gens grandissent en écoutant Love, Captain Beefheart et Pink Floyd ici, ce qui a d’ailleurs sans doute un rapport avec le fait qu’ils se rassemblent dans des chambres pour fumer de l’herbe et prendre des acides. Liverpool ne suit aucune mode, et du coup cette ville a ses propres racines musicales, un feeling unique. Avant je trouvais que le Merseybeat était comme un gros mot, mais j’aime bien maintenant. Et on est toujours à Wirral, on est très unis – je vis à côté de chez James et Paul, et Ian est en haut de la rue. On n’a pas acheté de villa à LA. On nous l’a pas proposé d’ailleurs. Je pense que ça s’entend dans notre musique. »

 

Même les groupes très unis ont besoin de prendre de la distance de temps en temps. Les ados James, Nick, le batteur Ian Skelly, le bassiste Paul Duffy et le guitariste Bill Ryder-Jones – qui n’a que 13 ans lorsqu’il rejoint le groupe – commencent à jouer ensemble en 1996 dans le sous-sol du Flat Foot Sam, un pub de Hoylake. Ils sont propulsés sur le devant de la scène en 2002 lorsque leur premier album atteint la cinquième place des charts anglais. Depuis, en dehors de leur pause volontaire en 2010, et du départ de Bill en 2008 pour se lancer dans une carrière solo, ils ne se sont presque pas arrêtés.

 

Nick raconte : « Quand on a commencé, tout a été tellement vite, on était si jeunes et motivés qu’on a rien remis en question. Mais une fois qu’on a eu la vingtaine passée, on s’est dit : “Pourquoi on fait tout ça ?” Alors on a fait une pause. Certains ont fait des albums en solo. Chacun a déployé ses ailes, a rencontré d’autres artistes, a exploré d’autres horizons. C’était difficile psychologiquement et financièrement, surtout quand on ne sait rien faire d’autre, mais en termes de création, c’était enrichissant. On s’est tournés vers l’extérieur, on s’est ouverts. »

 

Pendant ce temps, Nick écrit Into the Void, un témoignage sur la vie au sein de The Coral après cette pause de cinq ans et la sortie de Distance Inbetween. Ces mémoires constituent un aperçu de l’expérience du groupe, les bagarres pendant les concerts, les nuits dans des lits minuscules de chambres d’hôtel, capturer un moment précis d’un album avant de passer à autre chose, c’est aussi important que divertissant. C’est une série de récits, par exemple celui de l’exploration de Los Angeles à la recherche du Castle : la célèbre ancienne demeure de Bela Lugosi où Arthur Lee et Love ont écrit Forever Changes. Into the Void souligne la particularité de The Coral, un groupe fondé sur l’amitié et un amour partagé pour la musique, les livres, les films et les idées cool.

 

« On avait un état d’esprit génial sur le premier album, on allait tous dans la même direction », explique James, le plus âgé du groupe, qui avait 20 ans quand The Coral ont été signés, et qui avait donc davantage d’expérience. « Parfois la tension peut faire sortir de très bons titres, mais c’est difficile de faire un album homogène quand le groupe n’est pas en phase. En général, Ian et moi sommes en studio et les autres sont assis derrière nous, critiquant tout ce qu’on fait. Et une fois qu’ils arrêtent de faire ça, on sait qu’on est sur la bonne voie. »

 

Les albums des années 1970 de Phil Spector avec The Ramones et Dion ont été une influence majeure dans la création de Move Through the Dawn. Ces albums ont apporté un son très important tout en préservant une sorte d’innocence. James cite également comme inspirations les premiers disques de Bob Marley, ELO et même The Traveling Wilburys. Un thème lyrique et philosophique très simple parcourt tout l’album : essayer de trouver quelque chose d’authentique dans un monde qui paraît de plus en plus artificiel.

 

Cet album est avant tout au service de la chanson. « Le dernier album, c’était : est-ce que c’est bien The Coral ? Et maintenant : c’est ça, The Coral. On est revenus à la mélodie pure, et pour moi ça faisait tellement longtemps que ce n’était pas si facile. Distance Inbetween était extrême dans un sens. Move Through the Dawn est extrême dans l’autre sens. »

 

Nick conclut : « Si vous êtes un de nos fans, vous n’aurez pas envie d’écouter le même album encore et encore. J’aime les chansons bien écrites autant que Faust et Can. Ecrire une chanson simple, la faire sonner comme un air qu’un gamin siffloterait sur le chemin de l’école, ce n’est pas facile. C’est ce qu’on a essayé de faire. »