MNNQNS

Body Negative

Sortie le 13 septembre 2019

Fat Cat Records

Si par hasard l’envie vous prenait de taper « groupe rock français 2018 » sur Google, peut-être remarqueriez-vous que MNNQNS arrivent en première position. Ça n’a l’air de rien dit comme ça, mais ce top ranking vient couronner un début de carrière pétaradante qui a vu passer les Rouennais par la case surprise (le formidable single Straight to my bones) puis par celle de la révélation (Prix Société Ricard Live Music 2018 et un deuxième EP Advertisement en 2018). En 2019, le groupe repasse par la case départ pour son premier album. Et pioche la carte chance.

Si comme les Inrocks l’ont précisé « MNNQNS est le groupe français qui a donné envie d’écouter du rock en 2018 », c’est surement parce que ces Rouennais n’ont, en fait, jamais cherché à en faire. C’est ce gros doigt au complexe franco-français qui les a propulsés, en ferry boat, sur le label anglais FatCat où l’on a vu passer aussi bien Animal Collective que The Growlers ou Pandar Bear. Pour leur premier véritable album Body Negative à paraître le XXX, ces garçons sauvages ont donc remis les compteurs à zéro. Et pour ça, ils n’ont eu qu’à traverser le trottoir new-yorkais pour passer de Television à Sonic Youth, influence majeure du disque pas tant pour la coupe de cheveux de Thurston Moore que pour son jeu de guitare et sa recherche des accordages tarabiscotés. En résulte un long format de 12 titres riches en textures et où il est moins question de maison à colombages que de hauts buildings branchés au volume maximum.

Enregistré à la campagne par le groupe, épaulé par son 5ème membre Robin Plante, le disque a ensuite été mixé en Angleterre par Jolyon Thomas, à qui l’on doit notamment Slaves, Daughter et U2. Pas de discours pour la paix ni de « course au gros son » chez MNNQNS, mais un groupe qui parvient à éviter le piège du complexe d’infériorité. Non, ils ne sont pas les Idles ou Deerhunter (même s’ils adorent Bradford Cox), mais simplement MNNQNS. Une bande de gamins un peu fous mais ambitieux et qui, pour son premier disque manifesto, s’est imposé un cahier des charges très précis : évacuer l’obligation du format guitare-voix, expérimenter ; en gros, taper le caillou pour trouver des diamants qui coupent les doigts. Pas de cover non plus sur Body Negative, ici tout est original et il suffit d’écouter les chœurs de She’s waiting for the day pour comprendre que le groupe n’a pas qu’un pack de bières dans son coffre.

Intègre mais pas intégriste, libéré mais pas en roue libre, ces « rockeurs à la recherche d’autre chose » livrent un album moins évident qu’on aurait pu le craindre de la part d’un groupe français. Il y est question de mâchoire éclatée sur une pissotière (Urinals), d’écriture automatique pour sortir des automatismes, de ballades intimistes (Stagnant Pools) et de références aux apparences instagramées – le hashtag #BodyPositive a inspiré le nom de l’album et sa pochette de gueule cassée.

Par pragmatisme, les quatre garçons ont aussi eu la gentillesse de placer l’une des meilleures chansons de l’album sur la piste 2. Ça s’appelle Not what you thought you knew et l’objectif, on l’aura bien compris, n’est pas de conquérir la France mais plutôt de « remettre les pendules à leur place » comme disait Johnny, sur la véritable identité des MNNQNS : des punks mélodistes, encore et toujours à la recherche du désaccord parfait.